SOMMAIRE DE LA NOTE :
1 – Innover dans la production d’énergie verte
2 – Les enjeux du stockage de l’énergie
3- Vers une distribution data-driven de l’énergie
4 – Le modèle d’Energy as a Service (EaaS)
Le 4 avril 2022, le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) publiait le 3e volet de son rapport sur le changement climatique consacré aux différentes pistes à suivre afin de limiter au maximum le réchauffement climatique par rapport à l’ère préindustrielle. Dans la première partie du Rapport, les experts alertaient sur la vitesse de réchauffement beaucoup plus rapide que les prévisions ne l’avaient envisagé. Afin de limiter la hausse mondiale des températures, les experts du Giec suggèrent de remplacer les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) par des sources d’énergie bas-carbone ou neutres(hydroélectricité, photovoltaïque, éolien…). Cette étape – celle de la transition vers une production d’énergie plus durable – est nécessaire pour contrer les dangers liés à la crise climatique. Mais les réglementations, les interdictions et les incitations, bien qu’efficaces et pleinement justifiées, ne suffiront pas. Les nouvelles approches, les innovations dans la production, le stockage ou la distribution de l’énergie doivent accompagner les décisions politiques de lutte contre le réchauffement climatique et le rejet des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Le secteur des énergies renouvelables (selon l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA), les énergies renouvelables couvriront 40 % de la production électrique mondiale en 2050) voit un afflux d’idées, de technologies, d’innovations et de start-up. Pour autant, comme le signale l’ADEME (l’Agence française pour la transition écologique), quelles que soient les solutions techniques, 4 scénarios se présentent pour préparer le monde énergétique de demain :
- – La décarbonatation : ce scénario devenu incontournable consiste à sortir des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon…) pour lutter contre le réchauffement climatique ;
- – La diversification : dans cette stratégie, les énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse…) s’imposent progressivement face au nucléaire dont les infrastructures sont partiellement renouvelées pour combler les insuffisances ponctuelles ;
- – L’efficacité : cette solution est portée par l’ADEME qui met en avant toutes les solutions capables d’améliorer l’efficacité énergétique de notre habitat (par le biais de la rénovation) et de nos appareils moins gourmands en énergie ;
- – La sobriété : dans ce scénario soutenu par les ONG environnementales, la transition énergétique permet de réduire progressivement les besoins en énergie par le développement du recyclage, la relocalisation des biens de production, une rénovation lourde des bâtiments…
À travers le triptyque production – stockage – distribution, cette note de veille fait le point sur les innovations technologiques les plus récentes et celles qui sont appelées à bouleverser la manière dont nous envisagerons l’énergie à l’avenir. Une place belle est faite aux énergies renouvelables et plus particulièrement à leur stockage souvent problématique, notamment pour les énergies intermittentes. Enfin, nous nous attarderons sur une tendance importante, celle de l’EaaS, l’Energy as a Service qui promet de repenser les relations entre les producteurs et les consommateurs d’énergie.
1 – Innover dans la production d’énergie verte
Le photovoltaïque constitue l’un des axes majeurs de la politique nationale de développement des énergies renouvelables nécessaire à l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050. Selon le travail prospectif mené par l’ADEME, Transition(s) 2050, le photovoltaïque doit atteindre entre 92 et 144 Gigawatts installés en 2050. Le photovoltaïque, contrairement aux autres EnR, est en compétitivité directe avec les énergies conventionnelles, ce qui lui confère des perspectives de croissance soutenue. En France, quand la puissance du parc solaire français s’élève à environ 14 GW fin 2021, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) fixe comme objectifs un parc photovoltaïque de puissance égal à 20,1 GW en 2023 et une puissance comprise entre 35,1 GW et 44 GW en 2028. La recherche autour du photovoltaïque permet d’obtenir des produits innovants et plus efficaces. Par exemple, l’entreprise estonienne Crystalsol propose un produit révolutionnaire. Il s’agit d’un film flexible photovoltaïque qui se présente sous forme de rouleaux et qui peut être déployé sur toutes sortes de surfaces qu’elles soient planes ou non. De nombreux avantages sont offerts par cette solution : adaptabilité, légèreté, non-toxicité des matériaux utilisés, très bonne stabilité dans le temps ou encore très faibles coûts d’acquisition.
Les possibilités d’usage sont très nombreuses : façades et terrasses de bâtiments, vitrage (le film peut être transparent), carrosserie de véhicules. D’autres marchés sont visés comme le textile, la maroquinerie, etc. Ascent Solar propose les mêmes innovations. Epishine, entreprise suédoise, développe des cellules photovoltaïques d’intérieur capable de produire de l’électricité à partir de très faibles sources lumineuses. Fort d’une recherche de plus de 30 années, l’entreprise offre la possibilité d’alimenter des applications peu énergivores (comme des capteurs, des objets connectés, etc.) grâce à un module miniature de capture de l’énergie lumineuse. Grâce à son produit, il est possible de se débarrasser des piles et autres accumulateurs et de rendre les petits objets autonomes en électricité.
Enfin, nous pouvons évoquer une voie de recherche intéressante autour des cellules photovoltaïques. Des recherches menées depuis quelques années ont permis d’aboutir à un type de cellules révolutionnaires qui seraient en mesure de générer de l’électricité en pleine nuit.
Le principe est (relativement) simple : en thermodynamique, pour que de l’énergie soit convertie en électricité sont nécessaires une source de chaleur et un récepteur froid. Dans le cas des cellules photovoltaïques, la source de chaleur est le soleil et le récepteur « froid » est la cellule elle-même. Une cellule solaire conventionnelle est froide par rapport au soleil, elle absorbe donc la lumière. L’idée des chercheurs est d’utiliser le différentiel de chaleur entre les cellules qui ont chauffé toute la journée et l’espace extra-atmosphérique réputé plus froid. En orientant, la nuit, les cellules vers le ciel et en captant les radiations thermiques émises sous forme de lumière infrarouge, les chercheurs estiment possible de générer de l’électricité grâce à un générateur thermoélectrique. Les premiers tests montrent des résultats encourageants, mais qui demanderont d’être confirmés avant d’être envisagés comme solution pérenne. L’éolien est un domaine des EnR dans lequel les innovations vont bon train. En effet, bien que produisant 8% de l’électricité en France selon l’ADEME, ce mode de production d’énergie reste soumis à de nombreuses critiques. Énergie intermittente (le rapport entre la production effective d’une éolienne et sa production maximale théorique est de « seulement » 25%, toujours selon l’ADEME), impact non négligeable sur la biodiversité, impact sur l’environnement (même si ces attaques sont infondées puisque l’acier, le cuivre, l’aluminium et le béton sont recyclables à 100%), défiguration des paysages. Ce sont les raisons pour lesquelles des start-up et des laboratoires poussent la recherche et le développement pour redonner à l’éolien un nouvel élan. L’une des tendances est le développement d’ailes volantes qui, grâce à l’action permanente des courants aériens, ont la capacité de produire de l’électricité en continu. Deux start-up offrent des solutions d’ailes volantes. KitePower déploie des ailes volantes constituées d’une voile reliée à une station au sol qui convertit l’énergie mécanique de la voile en électricité grâce à un générateur (KitePower Falcon). Par des mouvements en 8 dans le courant d’air, la voile génère une force de traction qui est transformée en électricité (130kW produits en un cycle de vol). La force de cette solution réside dans son adaptabilité aux conditions environnementales. Contrairement à une éolienne classique qui reste implantée à un seul endroit et à une hauteur prédéfinie (environ 50m), l’aile volante peut être déployée n’importe où et jusqu’à des hauteurs de 400m lui permettant d’être en permanence en contact avec les courants aériens. L’entreprise a récemment signé un contrat avec le ministère des Armées hollandais pour un déploiement sur une base militaire située sur l’île d’Aruba. On retrouve cette idée dans le projet européen Airborne Wind Europe ainsi que chez les Allemands de Kitekraft sous une version légèrement différente.
Autre domaine de recherche en matière d’énergie éolienne : les microéoliennes urbaines. L’idée sous-jacente est de faire entrer l’énergie éolienne au cœur des villes afin de lui permettre d’alimenter la smartcity de demain. Pour cela, WindCity ou les Français d’Inergys conçoivent des éoliennes de poche qui sont en mesure de capter les mouvements d’air sur les toits des immeubles situés en milieu urbain. Ces solutions (parfois couplées avec l’énergie photovoltaïque comme dans le cas d’Inergys) permettent de tirer parti d’une énergie verte inépuisable pour alimenter des bâtiments ou des abris de parking. La smartcity, la ville intelligente du futur, pourrait également tirer profit de la bioluminescence, cette lumière biologique, naturelle issue des mers. Glowee, start-up française, propose Glowpolis, une innovation technologique qui permet d’intégrer la bioluminescence dans les projets d’aménagement urbain. Pour cela, la start-up tire parti des propriétés d’une petite bactérie marine (non pathogènes et non toxiques) capable de générer naturellement de la lumière comme le font les lucioles par exemple.
L’utilisation de l’eau pour créer une énergie hydroélectrique ne consiste plus simplement à construire des barrages dans le lit des rivières. Les innovations technologiques permettent aujourd’hui de repenser la production d’énergie à partir de l’eau. De manière passive, il est possible d’exploiter le milieu marin. Seaturns (entreprise accompagnée par Unitec), propose de mobiliser l’énergie houlomotrice provoquée par les vagues grâce à un convertisseur d’énergie (un flotteur cylindrique) compact et robuste installé en pleine mer. Grâce à un système d’ancrage, le mouvement de cavalcade du cylindre est converti en tangage permettant à un pendule d’eau de se déplacer dans le cylindre générant un flux d’air à travers un orifice. Ce flux d’air fait tourner une turbine couplée à un alternateur (pour produire de l’électricité) ou à une pompe (pour produire de l’eau sous pression). L’avantage de Seaturns repose sur sa miniaturisation là où d’autres projets misent plus sur le gigantisme à l’image de Wave Swell Energy qui propose l’utilisation du principe de la colonne d’eau oscillante pour produire de l’énergie issue de la houle. En France, le projet DIKWE mené conjointement par l’IFREMER, le Groupe Legendre et GEPS Techno consiste à développer une digue de protection des ports (de plus en plus soumis aux aléas climatiques) équipée de modules permettant de capter l’énergique houlomotrices des vagues qui viennent s’encastrer sur les digues de protection des ports. L’objectif de ce projet (qui en est actuellement à la phase 2 sur 3) sera de produire suffisamment d’énergie pour couvrir les besoins du port et de la capitainerie. Enfin dernier exemple d’utilisation de l’énergie marémotrice, le projet SeaQurrent qui propose le déploiement d’ailes sous-marines (le TidalKite) capables de transformer les courants marins en énergie verte et inépuisable. L’aile capture le flux d’eau pour créer une force de portance qui est transférée vers une prise de force composée d’un vérin hydraulique et d’un générateur qui crée de l’électricité par la pression exercée dans le vérin.
Autre type d’énergie issue du milieu aquatique, l’énergie osmotique pourrait bien avoir une place dans le mix énergétique de demain. Encore peu développée à grande échelle, elle consiste à produire de l’électricité à partir de milieux marins différents (l’un salé et l’autre composé d’eau douce), en actionnant une turbine grâce à la pression osmotique. Une pression de 12 bars dans le réservoir d’eau salée confère à l’eau acheminée vers la turbine la même énergie qu’un volume d’eau chutant de 120 m dans un barrage hydroélectrique. Installée au niveau d’un estuaire, d’un barrage ou d’une simple écluse, une centrale osmotique pourrait produire de l’électricité grâce aux mouvements des molécules provoqués par la rencontre entre les deux milieux aquatiques. Sweetch Energy, une entreprise rennaise, a installé sur l’écluse du Barcarin près de Fos-sur-Mer, en collaboration avec EDF Hydro et la Compagnie nationale du Rhône, une centrale à énergie osmotique. Grâce à une innovation technologique appelée INOD, constituée d’une membrane nanométrique spécifiquement conçue pour capter l’énergie osmotique couplée à des systèmes d’électrodes permettant de capter cette énergie produite. L’intérêt de l’énergie osmotique est qu’elle ne produit aucun rejet de carbone, qu’elle n’est pas une énergie intermittente comme l’énergie solaire. Elle est modulable et scalable à grande échelle et peut être biosourcée.
La biomasse est une ressource de plus en plus valorisée pour la production d’énergie. La biomasse désigne l’ensemble des matières organiques pouvant se transformer en énergie. On entend par matière organique aussi bien les matières d’origine végétale (résidus alimentaires, bois, feuilles) que celles d’origine animale (cadavres d’animaux, êtres vivants du sol). La biomasse peut être transformée en chaleur, en électricité ou en force motrice. L’intérêt de la biomasse est qu’elle est disponible dans n’importe quel pays du monde permettant de favoriser leur indépendance énergétique. L’utilisation des matières organiques comme ressource énergétique n’est pas une idée nouvelle (on pense à l’éthanol utilisé pour alimenter les premiers moteurs de voitures), mais aujourd’hui, à la faveur de la recherche et des avancées technologiques, de nouvelles formes apparaissent. DatafarmEnergy propose un modèle innovant capable d’accélérer le développement de gaz renouvelable par la valorisation des déchets organiques issus des collectivités, des industriels et des agriculteurs. Deux technologies sont utilisées : la méthanisation des déchets fermentescibles et des biodéchets et la pyrogazéification des déchets verts. Une fois la biomasse transformée, l’énergie est mise à disposition sous forme d’injection de gaz renouvelable épuré dans le réseau d’énergie ou d’autoconsommation de gaz renouvelable brut (biogaz) ou cogénéré (chaleur+ électricité). L’une des originalités du projet repose sur le fait que la start-up propose des crédits carbone qui sont ensuite tokenisés sous la forme de jetons NFT ($DFE). Chaque individu ou organisation peut participer au financement d’une énergie décarbonée au travers d’une plateforme d’échange de jetons. Bloom est une entreprise suisse de biotechnologie qui a développé une technologie de fragmentation de la matière organique (Aldehyde-assisted fractionation) lui permettant, entre autres, de produire des biocarburants utilisables dans le fret maritime notamment.
Certaines start-up utilisent le carbone qu’elles arrivent à capturer pour le transformer en ressources et en énergie. SeeO2 Energy, une entreprise canadienne développe une technologie capable de créer un gaz, le syngas, obtenu par une double conversion : celle de l’eau en hydrogène et celle du dioxyde de carbone en monoxyde de carbone. Syngas est un mélange d’hydrogène et de monoxyde de carbone. Cette technologie permet à la fois de capturer du carbone et de produire des carburants, de l’énergie, de la chaleur et de l’oxygène. Dioxycle, start-up bordelaise (accompagnée par Unitec) propose un caisson de capture, de traitement et de purification de carbone. Le carbone est transformé en différentes matières comme du carburant, des plastiques recyclés, des adhésifs, des fertilisants, etc.
Il existe beaucoup d’autres innovations technologiques qui permettent de repenser la production d’énergie. Une voie de recherche concerne l’énergie cinétique pour transformer une énergie en un courant électrique qui permettra d’alimenter les capteurs de l’IoT : WePower Technologies ou Energy Vault proposent des solutions. Dans un autre secteur, Qarnot, créée en 2010, développe une gamme de dispositifs de chauffage (radiateurs, étagères et chaudières) qui exploitent la chaleur générée par les ordinateurs et datacenters pour chauffer les logements et les bâtiments professionnels. Qarnot Computing a également développé Qware, un logiciel qui permet d’utiliser des services de cloud écofriendly. De son côté, Enerdape transforme les sous-sols des immeubles en sources d’énergie renouvelables pour les besoins de chauffage et de refroidissement des bâtiments. Grâce à une technologie intégrée à l’architecture qui capture à la fois la chaleur géothermique et résiduelle présente dans les environnements souterrains existants (parkings souterrains, les tunnels les gares, etc.), l’entreprise peut rendre autonomes des bâtiments entiers en climatisation réversible autonome. Radiant développe la première source d’alimentation portable à zéro émission qui fonctionne n’importe où : Kaleidos. Son microréacteur nucléaire portable breveté est une idée originale d’anciens ingénieurs de SpaceX qui ont l’expérience de mettre rapidement sur le marché de vrais produits et innovations. La solution d’énergie propre de Radiant utilise des combustibles sûrs qui ont déjà été largement testés par le ministère de l’Énergie, des matériaux qui ont déjà été utilisés dans des conceptions nucléaires antérieures et une conception de cœur nucléaire basée sur soixante ans d’innovation progressive. Radiant peut offrir une source d’énergie renouvelable portable à faible coût qui peut être une alternative aux combustibles fossiles pour les applications militaires et commerciales.
2 – Les enjeux du stockage de l’énergie
Une fois l’énergie produite, un nouvel enjeu de taille, se présente : celui du stockage. Le stockage consiste à préserver une quantité (maximale) d’énergie en vue d’une utilisation ultérieure. Il permet également d’ajuster la production et la consommation d’énergie en limitant au maximum les pertes. Si certaines énergies sont facilement « stockables », notamment les énergies non renouvelables que sont le gaz ou le pétrole, il n’en va pas de même pour les EnR et plus particulièrement celles dites intermittentes comme l’énergie éolienne. Les formes de stockage de l’énergie sont multiples : sous forme d’énergie chimique, d’énergie mécanique, d’énergie thermique, d’énergie cinétique, d’énergie électrochimique, d’énergie électrique.
Du côté des batteries et accumulateurs, alors que les débats font rage entre les défenseurs de la voiture électrique et leurs opposants, des start-up proposent des solutions qui convergent vers un même objectif : trouver le meilleur compromis possible entre le poids de la batterie, sa capacité de stockage, son coût de revient, sa durée de vie, sa faculté de recharge et son empreinte environnementale, notamment au moment du recyclage. Form Energy produit une batterie fer-air capable de stocker de l’électricité pendant 100 heures à des coûts très compétitifs par rapport aux centrales électriques. Fabriquée à partir de fer, l’un des minéraux les plus abondants sur Terre, cette batterie permettra d’assurer une fourniture d’énergie renouvelable rentable toute l’année. Lepty (une start-up accompagnée par Unitec), à l’instar de Form Energy, propose une batterie qui utilise le métal comme solution de stockage et de production d’électricité propre. Ce métal c’est l’aluminium dont les propriétés d’accumulation de l’énergie sont particulièrement intéressantes. Les batteries Lepty possèdent une très grande autonomie, un temps de recharge très court et ne nécessitent aucune infrastructure coûteuse. EnerVenue, enfin, déploie des batteries nickel-hydrogène pour des applications à grande échelle avec de très hautes performances : les accumulateurs ont une durée de vie de 30 ans et couvrir 30.000 cycles de charge et, grâce à leur scalabilité, peuvent s’adapter à différentes configurations.
À Bordeaux, une start-up (accompagnée par Unitec) propose un produit qui pourrait révolutionner l’approche du stockage de l’énergie dans le cadre des micro-mobilités. Gouach fabrique des batteries réparables et durables. Afin de lutter contre l’obsolescence programmée des petites batteries, l’entreprise mise sur une conception différente. En effet, en proposant une batterie sans soudure et sans câble, Gouach offre la possibilité de remplacer les cellules défectueuses. Pour cela, une application est connectée à la batterie permettant de suivre en temps réel le cycle de vie des batteries et des cellules, d’identifier celles qui doivent être remplacées. Au final, Gouach permet d’allonger la durée de vie de batteries écoconçues en proposant un produit qui s’affranchit de tout processus d’assemblage non réversible (colle, soudure, etc.) en un minimum de manipulation. L’entreprise a signé des partenariats avec Lime, la société de vélos et de trottinettes électriques en libre-service et équipera le nouveau modèle électrique de la jeune entreprise bordelaise de vélo local et réparable, Jean Fourche.
Autre acteur important au niveau local (puisque le centre de R&D est installé à Bruges et l’usine pilote à Nersac, en Nouvelle-Aquitaine), ACC (pour Automative Cells Company) s’est donné pour mission de construire une industrie européenne de batterie pour véhicules électriques plus propres et plus économes. Grâce à une alliance avec Saft, spécialiste des batteries depuis plus d’un siècle, Stellantis et Mercedes, l’entreprise développe des batteries Lithium-Ion à haute densité énergétique, d’une durée de vie augmentée, sûres et fiables et abordables financièrement. L’objectif à terme étant d’accélérer le passage au véhicule électrique en respectant l’environnement et l’impact social. Neogy, entreprise installée à Mérignac, près de Bordeaux se positionne sur la conception et la production de dispositifs de stockage d’énergie : smart batteries (lithium-ion ou Ni-MH), systèmes d’hybridation de batteries lithium avec des piles à combustible hydrogène. L’entreprise propose également la possibilité de gérer un système d’énergie complexe qui regroupe un ensemble de consommateurs d’énergie (exemple : moteurs, chaines de traction, radiateurs…) autour d’un système de stockage d’énergie par batteries, permettant à l’entreprise de tirer parti de manière optimale des différentes sources d’énergie à sa disposition. KemiWatt propose une batterie, la Organic Redox Flow Battery, qui permet de stocker les énergies renouvelables. Cette batterie est dotée d’une électrolyte (substance conductrice) non-corrosive et biodégradable qui stocke puis restitue l’énergie, permettant aux utilisateurs (particulier en recherche d’autoconsommation et grandes entreprises comme Siemens, Schneider) de conserver l’énergie plus longtemps. Le stockage de l’énergie passe également par d’autres moyens comme celui développé par l’entreprise Phelas. Son projet, Aurora, repose sur une technologie de stockage thermodynamique (dans un conteneur modulaire) qui repose sur les principes du stockage à air liquide (LAES) : l’électricité est stockée sous forme d’air ou d’azote liquide à des températures cryogéniques – inférieures à -150 degrés Celsius. Elle se charge en utilisant l’excès d’électricité pour alimenter la compression et la liquéfaction de l’air qui est ensuite stocké sous forme liquide à des températures proches de -196 degrés Celsius. Pour se décharger, l’air liquide se réchauffe et devient un gaz sous pression qui actionne une turbine pour produire de l’électricité. Un système LAES produit des flux chauds et froids pendant son fonctionnement, à la fois pendant la compression de l’air pour le chargement et l’évaporation pour le déchargement, et ces flux peuvent être utilisés pour améliorer l’efficacité du système, ou dans des processus industriels.
Autre solution intéressante, notamment pour les pays désertiques, le stockage de l’énergie sous forme de chaleur par le sable. Polar Night Energy propose un conteneur d’acier pouvant accueillir 100 tonnes de sable et en conserver la chaleur pendant des mois. Par un système de transfert de chaleur, il est possible de chauffer de l’eau ou de produire de la vapeur et de l’air chaud. D’après la société, la mise en place de cette batterie au sable est peu onéreuse : les coûts de construction et d’installation par rapport au rendement sont estimés à 10 € par kWh. Airthium, start-up fondée par deux anciens élèves de Polytechnique, conçoit et fabrique des systèmes de stockage thermodynamique saisonniers, capables de stocker l’énergie solaire l’été pour la restituer l’hiver à des coûts très bas (0,05€/kWh). Full Home Energy, entreprise perpignanaise, partage les mêmes objectifs qu’Airthium à savoir le stockage des énergies renouvelables pour une utilisation désynchronisée avec Inelio, une solution de stockage d’énergie photovoltaïque. Absolar, société bordelaise (accompagnée par Bordeaux Technowest) propose également une technologie de l’énergie renouvelable sans émission de carbone. Pionnier du stockage souterrain intersaisonnier, la solution proposée allie la géothermie et l’énergie solaire grâce à une centrale solaire sur stockage d’énergie souterrain (stockage de masse basé sur la capacité calorifique des roches). L’énergie est 100% renouvelable, 100% décarbonée et 100% locale.
3 – Vers une distribution data-driven de l’énergie
Après la production et le stockage de l’énergie, la distribution fait face à des bouleversements liés aux innovations technologiques. On assiste en effet au passage d’un modèle opérateur-réseau de distribution de l’énergie (modèle unidirectionnel depuis le producteur vers le consommateur) à un modèle opérateur-système de distribution. L’intégration des différentes sources d’énergie (notamment les énergies renouvelables) nécessite de repenser le système de distribution. Avec l’arrivée du digital, ce système est enrichi par des avancées technologiques comme l’automatisation, la gestion data-driven des flux, le recours au big data, aux systèmes de gestion « en temps réel », etc. La demande croissante d’électricité provenant de technologies à faibles émissions de carbone ainsi que l’augmentation des ressources énergétiques distribuées ont conduit à la nécessité de créer un réseau de distribution capable de répondre de manière proactive aux besoins des clients. C’est là qu’intervient le modèle DSO (Distribution System Operation), avec trois avantages :
- – En utilisant des compteurs intelligents, il a la capacité de mesurer et de gérer les flux d’énergie bidirectionnels – énergie consommée et produite – ainsi que l’intermittence des sources éoliennes et solaires.
- – Il permet l’intégration massive des énergies renouvelables, améliorant la qualité de l’approvisionnement et créant de la valeur pour les clients.
- – Il fournit aux clients des informations en temps réel sur la consommation, leur offrant une expérience complète et personnalisée.
L’optimisation des réseaux de distribution et des flux d’énergie passe par l’utilisation de logiciels et de solutions informatisées. Octopus Energy et sa plateforme Kraken, basée sur le cloud, assurent une efficacité opérationnelle et un service client exceptionnel, tout en favorisant un réseau plus écologique et en rendant possible des tarifs intelligents. Sympheny développe une plateforme logicielle permettant la planification de systèmes énergétiques locaux durables. Elle facilite l’identification de solutions d’approvisionnement énergétique optimales pour les quartiers, les campus et les quartiers des villes. Camus Energy est une plateforme open source de logiciel de gestion de réseau en tant que service. Elle fournit aux opérateurs de réseau et aux sociétés de service une couche logicielle qui vient se superposer aux données afin d’obtenir une connaissance précise et un contrôle avancés de la situation de la distribution de l’énergie sur le réseau. SolarIndep, accompagnée par Unitec, développe et conçoit des programmes informatiques permettant de piloter et moduler des systèmes électriques grâce à l’énergie solaire photovoltaïque grâce à une technologie de modulation de puissance brevetée qui adapte la puissance des systèmes électriques au gré de l’ensoleillement. NrgyBox, également accompagnée par Unitec offre aux collectivités et aux décideurs locaux une solution de gestion de l’éclairage public qui s’adapte aux besoins automatiquement et dynamiquement. Elle permet de faire des économies substantielles (la solution s’adapte à l’existant) tout en assurant le confort et la sécurité des citoyens.
Enfin, la distribution de l’énergie peut également profiter de l’émergence de la blockchain et des smart contracts associés. En effet, le développement des énergies renouvelables couplé à celui des smart grids est une opportunité de recourir aux smart contracts. Ceux-ci permettent des échanges sécurisés, plus efficaces, traçables et avec des coûts décroissants. À titre d’exemple, les smart contracts permettront de développer les échanges d’énergie de pair-à-pair (P2P Energy Transactions), entre un producteur d’énergie verte et un consommateur. Le smart contract permettra également d’automatiser la gestion des réseaux intelligents d’énergie (smart grids) en se passant de tiers de confiance. Dafecs est une société spécialisée dans la sécurisation et la traçabilité des flux énergétiques à travers un système blockchain disposant de smart contracts et de jetons d’actifs.
4 – Le modèle d’Energy as a Service (EaaS)
L’EaaS permet de passer de la vente d’électricité à la vente de services tels que la gestion de la consommation, l’optimisation de la production et le suivi de la consommation. La présence de sources d’énergie locales et d’options de stockage accélère l’efficacité énergétique sur le réseau tout en permettant l’accès à davantage de personnes.
Ce modèle EaaS profite pleinement au consommateur. En effet, dans ce modèle, le consommateur paie un abonnement lui permettant d’utiliser les solutions proposées ainsi que le montant de sa consommation d’électricité à un tarif bien inférieur à celui pratiqué par les fournisseurs classiques d’énergie. Exemple de SunRun qui propose des solutions de panneaux solaires sous forme d’abonnement. Le principe : SunRun installe sur le toit de la maison des panneaux solaires qui restent la propriété de l’entreprise. Le client paie chaque mois un montant forfaitaire lié à la location des panneaux solaires ainsi que le prix de la facture énergétique. En échange, SunRun assure la maintenance et le bon fonctionnement des panneaux solaires ainsi qu’un service de monitoring de la consommation. La start-up espagnole Elívere Solar propose des systèmes de production d’énergies renouvelables que les utilisateurs (particuliers, entreprises …) peuvent installer et utiliser facilement. La plateforme monitore la production et la consommation en temps réel et stocke le surplus au cas où la production solaire ne suffirait pas à répondre aux besoins. La start-up propose différents systèmes énergétiques pour les grandes installations telles que les bâtiments industriels, les exploitations agricoles et d’élevage, les bâtiments tertiaires ou les espaces publics. L’intérêt du projet Elívere Solar est que la start-up assure la location et la maintenance de tous les équipements selon un contrat défini à l’avance. Aux États-Unis, le groupe Bernhard est un des leaders sur ce marché lucratif de l’EaaS.
Et demain, irons-nous chercher l’énergie dans l’espace ?
L’agence spatiale européenne (ESA) a lancé un projet, appelé Solaris dont l’objectif est de collecter de l’énergie solaire directement depuis l’espace. Pour cela des satellites, placés en orbite au-dessus de l’atmosphère terrestre pourraient récupérer l’énergie solaire par des panneaux photovoltaïques. Cette énergie transformée en courant serait ensuite renvoyée vers la Terre par des micro-ondes, où des cellules photovoltaïques et/ou des antennes pourraient la réceptionner. Il ne resterait donc plus qu’à la convertir en électricité. Selon les estimations de l’ESA, ce procédé pourrait répondre à 30% de la consommation électrique européenne. La DARPA, l’Agence américaine de recherche militaire, finance un projet universitaire de l’Université CalTech, Space Solar Power Demonstrator. Il s’agit de tester, grandeur réelle, la possibilité d’envoyer dans l’espace une centrale solaire afin d’étudier et d’identifier le meilleur moyen de capter les rayons solaires dans l’espace pour produire de l’énergie. Pour l’heure, si la recherche progresse, cette nouvelle source d’énergie n’est pas encore prête à alimenter nos maisons. Pour cause, une centrale solaire produisant 5 Gigawatts pèserait 10.000 tonnes, soit l’équivalent de 25 Stations Spatiales Internationales ! Un challenge !
Seaturns, Dioxycle, Lepty, Gouach, SolarIndep, NrgyBox sont des start-up accompagnées par Unitec. On peut ajouter une autre start-up Energyscope qui propose un outil permettant aux acteurs du numérique d’optimiser la consommation énergétique de leurs applications.