L’audio numérique : Un nouvel outil de soin en santé mentale ?
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La musique est utilisée depuis qu’elle existe pour ses pouvoirs curatifs sur les esprits. Les pratiques médicinales des premiers guérisseurs étaient toujours accompagnées d’un rituel musical, une incantation, un rythme, un chant. De nos jours, les vertus thérapeutiques de la musique sont reconnues par l’intermédiaire de la musicothérapie. Celle-ci a gagné ses lettres de noblesse comme thérapie alternative en devenant une recommandation de la Haute Autorité de Santé. De son côté, le numérique a transformé et facilité l’accessibilité au format audio. Celui-ci est devenu en 2022 le format le plus apprécié des Français, comptant en France près de 82,3% d’utilisateurs quotidiens selon Médiamétrie. Enfin, depuis 2021, l’Etat français met en œuvre une politique volontariste de soutien à l’innovation en e-santé, appelée stratégie d’accélération « santé numérique ».

Nous montrerons, dans cette note de veille, comment l’audio, grâce à la dématérialisation, constitue une technologie convoitée de ressourcement pour le grand public, pour satisfaire une démarche individuelle de recherche de bien-être, mais aussi comment il entre dans des protocoles de soins de la médecine conventionnelle, principalement en musicothérapie, qu’il est peut-être en passe de refonder.

Le podcast, un outil en vogue

Le podcast, s’il ne relève pas à proprement parler de la musicothérapie, constitue, selon Le Festival de la communication en santé, un support audio numérique sur lequel les acteurs de la communication en santé s’appuient de plus en plus. Il favorise la médiatisation de témoignages de patients (en plein traitement ou guéris ou en rémission) mais aussi de personnels soignants ; il est également utilisé pour partager des informations ou diffuser des formations auprès des professionnels du secteur.

Le premier confinement en 2020 a constitué une rampe de lancement pour bon nombre d’entre eux comme Rare à l’écoute, le premier podcast dédié à toutes les maladies rares, produit par Pyramidale Communication. Au même moment, France Inter prenait l’initiative de proposer sur son site une série de podcasts intitulée Parole de soignant.e.s, quand Apple Podcast accueillait une série d’émissions intitulées “Transmissions – Covid 19 : récits de jeunes soignants en temps de crise” (édition Derrière la blouse). Les propositions restent florissantes depuis. France Culture propose une série autour de l’économie de la santé ; l’agence digitale Digisanté en sélectionne également 5 de son côté : l’un destiné aux patients atteints d’hémophilie, un autre qui constitue le journal de bord d’une infirmière, un encore destiné aux personnes qui aident quotidiennement, à titre professionnel ou familial, des malades, un quatrième élaboré par une naturopathe, et enfin un dernier qui rassemble des émissions autour de la Health Tech. Le site d’emploi spécialisé en santé staffsanté en met également à disposition des infirmières.

Les sites Le Festival de la communication en santé mais aussi Digisanté consacrent chacun des pages à vocation pédagogique spécialement dévolues à la conception de podcast spécifiquement dans le domaine de la santé. MedShake Studio de son côté se présente comme une agence d’aide à la création de podcast pour les acteurs de la santé.

Notons que 2023 a vu naître le tout premier Prix du Podcast Santé Francophone, à l’initiative du Festival de la communication en santé et de MedShake, ce qui révèle sans doute l’accroissement de ce type de production alliant audio et numérique dans le domaine de la santé.

L’ASMR au service du bien-être

S’appuyant sur l’audio mais aussi sur la vidéo, l’ASMR est très populaire dans le domaine du “bien-être”. ASMR est l’acronyme de Autonomous Sensory Meridian Response que l’on peut traduire en français par « réponse sensorielle maximale autonome ». Elle se définit comme une technique de relaxation par le son et par l’image. Ceux qu’on appelle les ASMRtists (contraction de ASMR et artistes) construisent des scenarii multisensoriels mêlant éléments visuels, sonores (chuchotements, légers tapotements, petits froissements etc.), et suggérant des goûts, des odeurs et des sensations liées au toucher, pour amener les téléspectateurs à un état agréable et relaxant, se concrétisant par la sensation de frissons, de picotements émanant du crâne et irradiant ensuite l’intégralité du corps.

L’individu qui la ressent éprouverait un état d’euphorie et de détente. Il semble que tout le monde ne soit pas réceptif à cette technique. Néanmoins, elle connaît un succès toujours plus important sur YouTube où certaines vidéos récoltent des millions de vues. L’état émotionnel qu’elle installe apporterait un bien-être psychologique (réconfort, sérénité, bonne humeur, amélioration de l’endormissement) propice à un épanouissement personnel. La recherche scientifique s’empare peu à peu de ce phénomène dont la vertu thérapeutique n’est pas encore prouvée.

Énormément de chaînes spécialisées dans l’ASMR sont apparues sur YouTube, qui en font une source incontournable pour les adeptes. Le site frandroid.com a repéré les principales :

Sont apparues également des applications mobiles dédiées comme Tingles, ASMR sound for sleeping et ASMR calm relax sleep. Ces trois applications proposent une large gamme de sons ASMR connus pour aider à induire un état de relaxation, favorisant également l’endormissement. Chacune propose une bibliothèque de sons constituée de bruits de la nature, de sons agréables, d’histoires etc. Elles offrent aux utilisateurs une minuterie pour un règlement de la durée des sons. La navigation sur leur interface est simple et conviviale. L’utilisateur a la possibilité d’élaborer une bibliothèque personnelle de sons selon ses préférences et de la partager avec d’autres utilisateurs. ASMR Calm Relax Sleep et Tingles offrent la possibilité d’ajouter des sons supplémentaires ou de mixer des sons déjà existants, ce qui fait leur particularité.

Le concept d’ASMR sort de la sphère privée et personnelle pour se développer dans le domaine public. Ainsi, des institutions culturelles établies s’aventurent dans ce phénomène très populaire bien qu’encore insuffisamment exploré par les scientifiques. A l’occasion de l’édition 2021 de La Nuit européenne des musées, un youtubeur (Florian Boullot alias Paris ASMR) avait été sollicité pour produire des visites immersives “ASMR” de lieux culturels. Il avait déjà été invité par le Louvre à réaliser l’une de ses vidéos dans une salle du musée et ainsi proposer une nouvelle approche de l’art, plus sensorielle. Mais c’est à Londres que l’ASMR est en passe d’acquérir des lettres de noblesse. Le Design Museum de Londres lui a consacré une exposition en 2022 : Weird Sensation Feels Good: The World of ASMR.

Ressource pour lutter contre le stress quotidien, par le biais du podcast ou de l’asmr, l’audio numérique est également en train de pénétrer le monde para-médical.

Musicothérapie réceptive médiatisée par un support numérique

Thérapie de soutien, la musicothérapie se pratique selon deux modalités : soit le musicothérapeute propose au patient des musiques enregistrées ou bien joue lui-même et on parle alors de musicothérapie réceptive, soit le patient est amené à pratiquer lui-même un jeu instrumental ou d’improvisation, et on parle alors de musicothérapie active. Les propositions que nous recensons ci-après relèvent de la musicothérapie réceptive. Le musicothérapeute reste à l’origine de l’élaboration de la séquence musicale mais sa présence n’est plus forcément requise pour que le soin puisse être prodigué, du fait du recours à des dispositifs numériques de diffusion. On peut désormais mieux mesurer, grâce aux progrès de la neuro-imagerie, les effets bénéfiques de la musique sur le cerveau en général et, entre autres, sur celui des malades atteints de la maladie d’Alzheimer. Ainsi le professeur Hervé Platel a pu constater que la musique active des circuits de récompense dans le cerveau des personnes atteintes ce qui leur permet de sortir de la léthargie dans laquelle la maladie les plonge ; elle réactive aussi des capacités d’apprentissage qu’on croyait perdues. Les professionnels de santé ont constaté que l’exposition de patients atteints de cette maladie dégénérative à de la musique contribuait à retarder ses effets (sans toutefois aboutir à la guérison parce que cela ne permet pas de créer des circuits de compensation durables). Aussi un designer sonore également ethnomusicologue (Frédéric Voisin) a-t-il, par exemple, été sollicité par un établissement de santé dans l’Yonne, à l’occasion de l’ouverture d’une unité « Alzheimer » en 2016, pour installer un univers sonore dans les parties communes de l’établissement. Depuis 2017, sous sa conduite, un dispositif informatique diffuse, en continu, une ambiance sonore selon l’heure du jour et de la nuit, les saisons, la météo. Le personnel soignant a pu observer des effets bénéfiques de la présence de ce dispositif sur la sociabilisation et les capacités cognitives d’un bon nombre de patients, sans pour autant que des résultats scientifiques soient encore connus. Les études sont en cours.

En Aquitaine, l’agence de design sonore Life Design Sonore a présenté une solution de musicothérapie pour répondre à un appel régional à solution « E-santé et autonomie » lancé par le Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine et ses partenaires. Le but de cet appel à projet lancé en 2022 était de trouver des innovations numériques capables d’améliorer le quotidien et la santé des personnes âgées en général, pas uniquement de celles atteintes de la maladie d’Alzheimer. Life Design Sonore, qui a déjà commercialisé, à la fin des années 2010, un oreiller sonorisé connecté permettant à son utilisateur de pouvoir profiter de sa musique ou télévision sans la contrainte du casque et sans la partager avec les occupants du même espace, a proposé un projet qui permettrait aux utilisateurs de bénéficier d’une expérience musicale immersive personnalisée en fonction de leur état émotionnel. Le personnel médical aura ainsi la possibilité d’évaluer l’état émotionnel de la personne et de diffuser en fonction la musique adéquate.

De son côté, l’équipe soignante du Pôle G19 du GHU Paris psychiatrie et neurosciences (associée à d’autres laboratoires et centre de recherches) réfléchit à l’élaboration d’un dispositif mobile d’enveloppe sonore, au sein d’un projet nommé Psy-Son. Il s’agit de trouver une solution pour prévenir et gérer les crises à l’hôpital psychiatrique, et diminuer le nombre d’administrations de traitements médicamenteux (voire coercitifs). Au centre du dispositif : un fauteuil d’écoute muni d’enceintes, offrant une expérience de diffusion musicale enveloppante au patient. Par ces enceintes, est diffusée une playlist adaptée au patient (sorte de portrait sonore de lui-même) établie au cours d’un échange préalable patient/soignant, lequel se fonde sur une interface créée pour le projet et appelée Psyk. Le patient accède au fauteuil à tout moment : en anticipation d’une crise, au moment d’un léger malaise, au moment de la crise elle-même. Un échange patient-soignant a lieu postérieurement à une séance de diffusion musicale. Ce dispositif est en test à l’heure actuelle (ainsi qu’un projet de diffusion sonore dans les chambres de réanimation) et les résultats sont attendus pour 2025.

Pensée un peu différemment et pour un contexte moins psychiatrique, l’application Music Care constitue déjà une offre aboutie, en phase de s’imposer, et dispose du statut d’intervention musicale non médicamenteuse. À son origine, une start-up française du même nom, fondée par Stéphane Guétin (docteur en psychologie clinique et musicothérapeute). Elle propose de diminuer les symptômes de douleur chronique, d’anxiété, de troubles du sommeil, également ceux liés à la maladie d’Alzheimer, ainsi que la surmédication. Il s’agit là encore bien sûr de proposer des séquences musicales pour essayer de traiter lesdits symptômes. Mais celles-ci ne se réduisent pas à des playlists, ce qui équivaudrait à écouter de la musique en streaming ; elles sont spécialement élaborées par des compositeurs, musicothérapeutes et chercheurs en neurosciences. Leur structure (c’est-à-dire l’enchaînement des différents tempi, le nombre et le type d’instruments utilisés, l’intensité de la musique etc.) est le résultat de recherches scientifiques et varie selon le type de pathologie visée (elles peuvent être dites en U – modèle le plus courant, utilisé dans le traitement des douleurs chroniques et l’anxiété -, en L – pour favoriser l’endormissement – ou en J – pour amener le patient à un réveil progressif). Le patient définit son objectif de soin. Une séquence musicale d’une vingtaine de minutes au minimum (mais cela peut aller jusqu’à 90 minutes) lui est alors proposée ainsi que des indications posologiques et de durée ; il est préconisé, par exemple, pour traiter la douleur chronique et l’anxiété, de pratiquer 2 séances de 20 à 30 minutes par jour pendant 60 jours. Les effets des séances sont évalués par un personnel soignant. En complément d’un traitement standard, elle était à l’origine réservée aux patients hospitalisés et est devenue très récemment disponible sous recommandation médicale. Le patient y accède gratuitement sur prescription médicale pendant 3 mois, puis il lui faut s’acquitter de 9,90€/mois pour continuer à y avoir accès. Elle est développée en partenariat avec Sanofi et déjà utilisée dans de nombreux établissements de santé, quel que soit le type de service, mais aussi désormais par des médecins libéraux.

Retour vers le streaming mais associé à la technologie du son binaural avec la plateforme de streaming Soundformind (créée par Jean-Claude Menghi et Benoit Viguier) : d’abord destinée à une utilisation grand public pour satisfaire des besoins de ressourcement individuel, cette plateforme pénètre depuis peu elle aussi le monde hospitalier, en particulier l’hôpital Nord de Marseille où elle est implantée aux urgences pédiatriques pour apaiser le stress des jeunes patients, ainsi que dans la salle d’accueil préopératoire des adultes avant leur passage au bloc. La particularité de cette proposition numérique vient de la technologie sonore utilisée pour la diffusion, à savoir le son 3D ou son binaural, qui permet véritablement une immersion sonore, reproduisant au plus juste l’écoute naturelle à 360°. Cette technologie existe depuis longtemps au cinéma où elle est mise en œuvre grâce à de nombreuses enceintes, mais elle est en train de se démocratiser car elle devient accessible sur des enceintes classiques ou un simple casque (ou encore des écouteurs). La bibliothèque sonore à laquelle la plateforme donne accès contient 80 ambiances classées par thème (animaux, nature, instrumental etc.) et par objectif (améliorer le sommeil, se détendre au travail, réviser etc.). A l’hôpital, elle fonctionnera avec un système de bornes autonomes, commercialisées sous le nom de « pod soundforming », reliées à un casque connecté ce qui permet une immersion immédiate. Des résultats probants laisseraient envisager la diffusion de Soundformind en sortie d’anesthésie, en gériatrie ainsi qu’en séjour long dans les services de cancérologie et plus largement au sein de l’intégralité des Hôpitaux de Marseille (AP-HM).

Musicothérapie réceptive « interactive »

Une autre dimension de la musicothérapie réceptive nous semble en train d’apparaître, sans pour autant qu’une littérature scientifique ne se prononce avec certitude sur le sujet. On pourrait l’appeler musico- (ou sono-) thérapie interactive. Elle s’effectue par le biais d’objets doublement connectés : à des capteurs reliés au cerveau de l’utilisateur d’une part, à une application numérique de l’autre. Les capteurs qui mesurent l’activité cérébrale transmettent des informations à l’application, qui adapte ses propositions à l’état de l’utilisateur.

Les deux exemples que nous allons présenter ne constituent pas encore des modèles scientifiques, et ils n’ont d’ailleurs pas encore pénétré l’univers médical conventionnel. Les résultats positifs qu’ils provoquent sur les troubles du sommeil ou la relaxation ne sont pas encore prouvés scientifiquement. Mais nous formons l’hypothèse que ce type d’objet puisse se développer un jour avec efficacité.

Le bandeau de sommeil appelé « Dreem », commercialisé pendant un temps au grand public par la société Dreem (ex Rythm) n’est plus disponible à l’achat individuel, l’entreprise s’étant tournée vers le BtoB. Quel est le principe de ce bandeau ? Flexible et élastique, il s’installe sur la tête au moment du coucher et est connecté en bluetooth à une application dédiée. A l’intérieur du bandeau sont fixés 6 capteurs d’électroencéphalographie qui mesurent l’activité cérébrale du cortex pendant le sommeil, un capteur appelé « oxymètre de pouls » qui mesure le rythme cardiaque et enfin un autre capteur qui analyse les mouvements dans le lit de la personne qui porte le casque. Pendant les 7 premières nuits d’utilisation, le bandeau va se contenter d’envoyer les données qu’il a recueillies à l’application qui établit un diagramme de qualité du sommeil ainsi que des statistiques. A l’issue de cette semaine d’essai, l’application est en mesure de proposer 3 programmes individualisés : “regain de sommeil”, “thérapie cognitivo-comportementale”, “rituels”. L’utilisateur a ensuite accès aux exercices quotidiens du programme qu’il a choisi. Ils reposent sur l’envoi de sons (pas à proprement parler de musique) par conduction osseuse par le bandeau à différents moments et stades du sommeil pour les améliorer (par exemple au moment de l’endormissement, ou au moment du sommeil lent profond – le plus réparateur, ou enfin au moment du réveil pour faire en sorte que celui-ci soit progressif). La fréquence des différents sons émis est élaborée en fonction des résultats de travaux de recherches scientifiques réalisées sur la mémoire.

Sur le même principe, melomind développé par l’entreprise My Brain, est un casque audio équipé d’électrodes destiné à la relaxation. L’utilisateur est plongé dans un univers sonore immersif censé le conduire vers un état de relaxation profonde ; pendant l’immersion, le casque, doté d’électrodes électroencéphalographiques, capte les ondes cérébrales du cerveau, les envoie à une application dédiée qui analyse les mesures et propose en retour des univers sonores adaptés à l’utilisateur afin d’aider son cerveau à se relaxer. A la fin de la séance, l’application propose une courbe graphique la résumant et formule également des conseils thérapeutiques personnalisés pour aider l’utilisateur à développer sa capacité à faire face au stress quotidien. Reste que pour l’heure ce produit est commercialisé au prix, pour beaucoup prohibitif, de 399€.

Dans ces deux exemples, le « soin » sono- ou musicothérapeuthique se réalise en interaction avec l’utilisateur, mais en l’absence du musicothérapeute (qui intervient toujours, cependant, en amont, dans l’élaboration de la bibliothèque d’univers sonores proposés par l’application) ; ce sont les réactions de l’utilisateur, transmises par le biais de mesures électriques à l’application qui la conduiraient à lui soumettre une palette de sons ou d’univers sonores plus adaptés à son état. L’adaptation en temps réel de la proposition sonore à l’état de l’utilisateur (qu’il est impossible encore d’appeler « patient » en l’absence de garanties scientifiques et médicales sur ces objets) pourrait ouvrir la voie de progrès dans le domaine de l’apprentissage de la gestion des émotions et de l’anxiété, partant, dans celui plus large de la santé mentale. Notons aussi, qu’au Royaume-Uni, une start-up appelée Wavepaths, propose des thérapies individuelles et individualisées dites « psychédéliques » : des personnes sont plongées dans un espace clos où sons et lumières se mêlent avec harmonie ; une musique électronique est diffusée avec la technique de son binaural déjà mentionnée. Le positionnement sonore des objets varie en fonction des données biométriques (température du corps, pouls, moiteur des mains) de la personne qui suit la séance et qui sont mesurées par des capteurs. L’idée qui sous-tend le projet est de chercher comment prévenir la dépression. Enfin, un projet de recherche intitulé « Autonomous Adaptative Soundscape » (pour “paysages sonores adaptatifs”) mené, entre autres, par le Musée des sciences et de l’innovation du Canada, réfléchit à élaborer un système de soin musicothérapeutique grâce à l’IA. Les paysages sonores adaptatifs sont conçus comme une boucle de rétroaction à « trois points, reliant un patient, un agent d’apprentissage machine et un générateur de sons. L’agent IA interprète en temps réel le niveau de stress du patient au moyen d’un biocapteur […]. Si le stress semble augmenter, l’agent IA indique alors au générateur de sons de proposer un nouveau paysage sonore. » L’objectif est d’apporter 24h/24, 7jours/7, de manière non invasive et peu coûteuse, des solutions de soulagement du stress mental et physique éprouvé par les patients gravement malades. L’enjeu est alors de développer des bibliothèques sonores suffisamment diversifiées pour convenir au plus grand nombre.

Tout ceci contribue à asseoir un peu plus notre hypothèse de développement progressif de ce type de soin musicothérapeutique « interactif » dans le monde médical un jour.

Un nouvel essor pour améliorer la santé mentale

L’audio numérique par le biais du podcast et de l’ASMR a largement pénétré le monde du bien-être, du paramédical et du médical. Grâce à lui, la musicothérapie de son côté semble être en train de trouver un nouvel essor pour améliorer la santé mentale des individus. Ses effets bénéfiques d’atténuation des symptômes de stress, d’anxiété, de douleurs, voire de réveil de capacités cognitives sont avérés. Les innovations technologiques liées au numérique contribuent à faire d’elle un allié thérapeutique non médicamenteux de plus en plus facile à mettre en œuvre dans l’écosystème du soin médical psychologique voire psychiatrique, par l’acquisition de dispositifs matériels sonores mis à disposition des patients qui s’en servent en autonomie. Le choix et l’élaboration des séquences musicales à diffuser dans ce cadre semble être encore un terrain fertile de recherche. Peut-être les travaux sur l’adaptation en temps réel des propositions musicales avec l’état mental du patient progresseront-ils et permettront-ils la mise en œuvre de solutions de traitement très individualisées. Il importe néanmoins de rester vigilant sur le fait que, pour l’heure, ces propositions alliant audio et numériques, si elles apportent un confort non négligeable, ne guérissent pas et que l’évaluation de leur qualité scientifique reste problématique. Il ne semble pas qu’il existe encore de label certifiant la qualité d’une application. La vigilance de chacun à leur égard doit donc être constante.


Cette note de veille a été rédigée par les étudiants de l’ISIC Bordeaux Montaigne : Alexia Anastase, Kenza Aror, Djedjiga Bouazzouni, Sanae Lahmar et Amélie Pares, supervisés par Alexandre Bertin, Responsable Veille et Prospective à Unitec.

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