Dans un contexte mondial marqué par les défis croissants de la sécurité alimentaire et la nécessité d’une agriculture plus durable, les biostimulants émergent comme une solution prometteuse. Ces composés organiques, issus de sources naturelles, représentent une innovation significative dans le domaine agricole, offrant une alternative aux intrants chimiques conventionnels.
Les biostimulants suscitent un intérêt grandissant auprès des agriculteurs, des chercheurs et des décideurs politiques, en raison de leur capacité à améliorer la productivité des cultures tout en minimisant l’impact environnemental. Leur utilisation s’inscrit dans une démarche d’agriculture raisonnée, visant à optimiser les processus naturels des plantes plutôt que de les supplanter.
Cette note de synthèse se propose d’explorer les différents aspects des biostimulants, en examinant leur définition, leur composition, leurs principales fonctions, ainsi que leurs avantages et leurs modes d’application. Elle vise à fournir une compréhension claire et concise de ces produits, de leur rôle dans l’agriculture moderne et de leur potentiel pour relever les défis agricoles du 21e siècle.
Qu’est-ce qu’un biostimulant ?
Les biostimulants, contrairement aux engrais et aux pesticides, ne fournissent pas directement des nutriments aux plantes ni ne les protègent contre les ravageurs ou les pathogènes (stress biotiques). Au lieu de cela, ils agissent dans l’ombre, stimulant les processus naturels des plantes pour améliorer leur santé et leur croissance. En d’autres termes, ils stimulent le vivant. Cela peut inclure une meilleure absorption des nutriments, une plus grande tolérance aux stress environnementaux comme la sécheresse ou le gel, et une résistance accrue aux maladies.
Les biostimulants stimulent les processus naturels de défenses de la plante vis-à-vis des stress abiotiques. Ces stress sont dus à des phénomènes physiques ou physico-chimiques, comme la chaleur ou le manque d’eau, ou à des carences (nutritives, hydriques). Grâce aux biostimulants, la plante va réorienter une plus grande partie de son énergie vers sa croissance et sa reproduction plutôt que pour lutter contre les stress.
Le règlement européen 2019/1009, entrée en application en juillet 2022, leur a donné une définition officielle. Les biostimulants sont « des produits qui stimulent les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu’ils contiennent, dans le seul but d’améliorer une ou plusieurs des caractéristiques suivantes des végétaux ou de leur rhizosphère :
- l’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs ;
- la tolérance au stress abiotique ;
- les caractéristiques qualitatives ;
- la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol et la rhizosphère. »
Pourquoi s’intéresser aux biostimulants ?
L’un des défis majeurs assignés à l’agriculture est d’augmenter la production alimentaire pour une population mondiale toujours plus nombreuse (les Nations Unies prévoient une population mondiale de 8,5 milliards en 2030 et 9,7 milliards en 2050) tout en minimisant son impact sur l’environnement. Les biostimulants offrent une solution prometteuse pour atteindre ces objectifs en rendant les cultures plus robustes et en réduisant la dépendance aux produits chimiques.
Le champ d’action des biostimulants est vaste. Il s’étend du traitement des semences (afin de favoriser une levée vigoureuse), jusqu’à la préservation de la qualité des récoltes. Certains biostimulants améliorent l’absorption par la plante des nutriments présents dans l’environnement ou apportés par les engrais. D’autres favorisent la biodisponibilité des composés nutritifs du sol. Ils peuvent améliorer l’activité microbienne ou des propriétés physico-chimiques des sols permettant une meilleure dégradabilité des composés organiques. Les biostimulants peuvent également agir sur la qualité technique, nutritionnelle ou organoleptique de la plante ou de la récolte, en soutenant les métabolites secondaires (composés chimiques synthétisés par les plantes, c’est-à-dire des composés phytochimiques, qui remplissent des fonctions non essentielles, de sorte que leur absence n’est pas mortelle pour l’organisme, contrairement aux métabolites primaires).
Les biostimulants agissent à différents niveaux par :
- L’amélioration de l’absorption par la plante des nutriments présents dans l’environnement ou apportés par les engrais (en solubilisant les phosphates, en fixant l’azote atmosphérique et en augmentant la disponibilité des nutriments dans le sol) ;
- L’amélioration de la biodisponibilité des composés nutritifs du sol permettant une meilleure absorption et utilisation au sein de la plante ;
- L’augmentation de la tolérance et de la résilience des plantes face aux stress abiotiques (sécheresse, excès d’eau, gelées, salinité, etc.) ;
- L’amélioration des critères de la qualité des produits récoltés tant au niveau des rendements que des propriétés nutritives (vitamines, minéraux ou autres composés bénéfiques) ;
- L’amélioration de l’activité microbienne ou des propriétés physico-chimiques des sols permettant une meilleure dégradabilité des composés organiques ;
- L’augmentation de la biomasse : les racines plus longues et plus ramifiées permettent une meilleure absorption des nutriments et de l’eau, ce qui se traduit par une croissance plus rapide et plus robuste des plantes.
- Un gain économique (via l’augmentation des rendements et de la qualité de ces derniers) ;
- Un gain environnemental par la réduction de l’utilisation de fertilisants issus de sources non renouvelables.
Les biostimulants appliqués aux semences pour les aider à bien démarrer
Les biostimulants peuvent être également appliqués sur les semences. L’objectif est d’améliorer la germination, la croissance puis la vigueur des plantes dès les premières étapes de leur développement. Certains biostimulants comme le THYL 121 L, composés de Pseudomonas fluorescens, est utilisé pour améliorer le contact sol-racines et favoriser une levée rapide. L’enrobage des semences de tournesol, par exemple, permet une stimulation de la croissance racinaire puis une levée plus rapide. Enfin, certains biostimulants contiennent des nutriments (comme le phosphore, le potassium du magnésium) qui enrichissent les sols et favorisent la germination des graines.
Si le champ des possibles est vaste, ce dossier est loin d’être simple. Il faut trouver des méthodes permettant de stabiliser la tenue du biostimulant sur la graine (pelliculage ou enrobage), identifier la charge de l’actif à doser pour qu’elle soit efficace et homogène. S’assurer de la stabilité dans le temps avec une durée de vie du biostimulant d’au moins six mois. De nombreuses entreprises travaillent en ce sens, comme Cérience ou le groupe RAGT.
Comme tous les êtres vivants, les plantes sont soumises à des facteurs externes pouvant occasionner du stress qui va affecter leur croissance, leur développement et leur productivité. Deux grandes catégories de stress cohabitent et influencent la vie de la plante : les stress biotiques et les stress abiotiques.
Ces deux types de stress ont des impacts différents sur les plantes, mais les obligent dans les deux cas à réagir et à lutter pour leur survie.
Stress biotiques
Les stress biotiques sont toutes les contraintes imposées aux plantes par des organismes vivants. Ceux-ciincluant les pathogènes (champignons, bactéries, virus), les herbivores (insectes, mammifères) et la compétition avec d’autres plantes.
a. Les pathogènes
- Champignons, bactéries, virus : Maladies, nécroses, réduction de la photosynthèse, détérioration des tissus.
b. Les ravageurs et les herbivores
- Insectes, mammifères : Consommation de feuilles, tiges, racines, réduction de la surface foliaire, perte de biomasse.
c. La compétition
- Autres plantes (adventices) : Compétition pour les ressources (eau, lumière, nutriments), réduction de la croissance des plantes cultivées.
Face à ces stress, les plantes mettent en place des mécanismes de défense, physiques (épines, poils, cuticules, etc.), chimiques (production de toxines et de répulsifs) et induits (production d’éthylène, d’acide salicylique, etc.). L’homme peut également intervenir pour protéger les plantes de manière artificielle ou naturelle grâce aux traitements chimiques, à la sélection des cultures et des variétés résistantes, par le contrôle biologique (utilisation de prédateurs naturels) ou par des pratiques culturales (comme la rotation des cultures).
Stress abiotiques
Les stress abiotiques désignent les facteurs environnementaux non vivants, tels que la sécheresse, les températures extrêmes, la salinité, la lumière excessive ou insuffisante, et les polluants chimiques. L’accélération du dérèglement climatique augmente les risques de survenue des stress abiotiques sur les plantes.
- Stress hydrique
Le stress hydrique se traduit par deux phénomènes opposés :
- Sécheresse : Réduction de la croissance des plantes, flétrissement, diminution de la photosynthèse, accumulation de composés osmoprotecteurs.
- Excès d’eau : Asphyxie des racines, développement de maladies fongiques, réduction de la disponibilité d’oxygène.
- Stress thermique
- Températures élevées : Dégradation des protéines, dysfonctionnement des membranes cellulaires, réduction de la photosynthèse.
- Températures basses : Gel des tissus, cristallisation de l’eau intracellulaire, ralentissement de la croissance.
c. Stress salin
- Salinité : Déséquilibre ionique, toxicité ionique, réduction de l’absorption de l’eau, perturbation de la photosynthèse et de la respiration.
d. Stress lumineux
- Excès de lumière : Dommages photo-oxydatifs, production de radicaux libres, dommages aux chloroplastes.
- Déficit de lumière : Réduction de la photosynthèse, croissance étiolée.
e. Stress chimique
- Polluants : Accumulation de métaux lourds, toxines, réduction de la croissance, perturbation de la physiologie des plantes.
Impacts à long terme des stress sur les plantes
Les stress abiotiques et biotiques ont des impacts significatifs et diversifiés sur la vie des plantes, affectant à la fois les écosystèmes naturels et les systèmes agricoles.
1. Réduction de la productivité agricole
Les stress abiotiques et les stress biotiques causent des pertes importantes de rendement agricole. Les cultures de base, comme le riz et les pommes de terre, peuvent subir des pertes de rendement allant jusqu’à 30 % à cause de ces facteurs combinés. Ces pertes menacent la sécurité alimentaire mondiale, surtout dans un contexte de changement climatique.
2. Déclin de la biodiversité et des écosystèmes forestiers
Les forêts sont des écosystèmes particulièrement vulnérables aux combinaisons de stress abiotiques et biotiques, exacerbées par le changement climatique. La mortalité massive des arbres, consécutive à l’enchainement de plus en plus rapide des sécheresses, affecte de nombreuses espèces importantes comme les pins, les peupliers et les eucalyptus. Ces événements entraînent une diminution de la biodiversité, une réduction de la surface forestière mondiale, et perturbent les services écosystémiques essentiels fournis par les forêts.
3. Adaptations et évolution des plantes
Les plantes développent des mécanismes complexes pour s’adapter aux conditions de stress, y compris des modifications épigénétiques (sur l’expression des gènes, mais sans impact sur l’ADN) et l’activation de voies moléculaires spécifiques. Ces adaptations peuvent améliorer la résilience des plantes à long terme, mais elles peuvent aussi entraîner des coûts énergétiques élevés et une croissance réduite dans des conditions non stressantes. Par exemple, les changements dans la régulation des stomates en réponse à des combinaisons de stress peuvent influencer la photosynthèse et la transpiration, impactant ainsi la croissance et la productivité des plantes.
4. Dégradation des sols et pollution environnementale
L’utilisation d’intrants chimiques pour compenser les effets des stress abiotiques a conduit à la dégradation des sols et à la pollution environnementale. Les engrais et des pesticides nuisent à la qualité des sols, réduisent la biodiversité microbienne et posent des risques pour la santé humaine et environnementale. Ce sont les raisons pour lesquels les biostimulants émergent comme une alternative plus durable pour améliorer la tolérance des plantes aux stress abiotiques tout en réduisant l’impact environnemental.
5. Changements dans les pratiques agricoles
Pour faire face aux impacts des stress à long terme, les pratiques agricoles évoluent. L’intégration de biostimulants, l’amélioration des variétés végétales par sélection génétique et biotechnologique, et l’adoption de techniques de gestion de l’eau plus efficaces sont des stratégies essentielles pour augmenter la résilience des cultures face aux conditions de stress. De plus, la recherche continue sur les interactions entre les différents types de stress et les réponses des plantes est cruciale pour développer des solutions innovantes.
Réponses des plantes aux stress
Les plantes possèdent divers mécanismes pour faire face aux conditions de stress qu’elles rencontrent :
- Réponse hormonale : Les hormones végétales (comme l’acide abscissique, les auxines, les cytokinines) jouent un rôle clé dans la régulation des réponses aux stress hydriques ou pathogènes.
- Synthèse de composés protecteurs : En réponse au stress, les plantes synthétisent divers composés qui aident à protéger les cellules et les structures internes : Osmoprotecteurs (en réponse aux stress hydriques et salins), antioxydants (réaction au stress oxydatif), protéines de choc thermique.
- Modification de la physiologie : Les plantes adaptent leur physiologie pour minimiser les dommages causés par le stress grâce à la fermeture des stomates pour réduire la perte d’eau lors des stress hydriques ; ajustement de la croissance racinaire afin d’aller chercher plus profondément les ressources nécessaires à la croissance. La capacité photosynthétique peut être ajustée en réduisant l’activité photosynthétique pour faire face à des conditions de lumière changeantes
- Expression génétique : les plantes activent et répriment divers gènes en réponse au stress pour réguler les processus cellulaires et physiologiques.
Stratégies d’adaptation aux stress abiotiques :
La perception : reconnaissance par des récepteurs membranaires spécifiques du « non soi » (MAMP) ce qui permet l’identification du stress, de la condition « anormale », du danger.
La transduction du signal : c’est-à-dire la diffusion de l’information dans la plante. Elle se fait de proche en proche (cellule à cellule) via un flux de calcium.
La réponse cellulaire au travers de l’expression de gènes de résistance, de signaux et de régulation du statut hormonal permettant une résistance locale induite. Il y a activation des processus métaboliques de résistance de base et/ou d’une réponse adaptative via un système intégratif (espèces réactives à l’oxygène (ROS) / phytohormones).
Pour autant, face à la multiplication des situations de stress consécutives au dérèglement climatique, à l’utilisation accrue de pesticides, à l’appauvrissement des sols et à la prolifération des éléments pathogènes, les plantes ont de plus en plus de mal à lutter. L’homme dispose d’un arsenal diversifié de méthodes et de procédés pour accompagner les plantes dans leur lutte. Sélection variétale et génie génétique, gestion intégrée des cultures (par des pratiques agronomiques ou par contrôle biologique), utilisation de produits chimiques ou techniques culturales avancées (utilisation de drones ou de systèmes intelligents). Pour autant, depuis le début des années 1950 et la découverte des vertus de l’utilisation des algues sur la croissance racinaire des plantes, la recherche d’une voie alternative, respectueuse de la plante et de son environnement s’est développée autour de la notion de biostimulation.
Les différents types de biostimulants
Plus que par leurs constituants ou leur nature, ce sont leurs mécanismes d’action et leurs revendications qui vont définir les biostimulants. Ils peuvent être classés en plusieurs catégories, chacune avec ses propres mécanismes d’action et avantages.
Les biostimulants microbiens
Les biostimulants microbiens incluent les bactéries et les champignons qui interagissent avec les plantes pour améliorer leur croissance. Les bactéries fixatrices d’azote, par exemple, convertissent l’azote atmosphérique en une forme utilisable par les plantes. Les mycorhizes, des champignons qui vivent en symbiose avec les racines des plantes, augmentent la surface d’absorption des racines, facilitant ainsi l’absorption de l’eau et des nutriments.
Exemples et applications
– Rhizobium : bactéries aérobies présentes naturellement dans le sol, elles sont utilisées principalement avec les légumineuses (fabacées), fixent l’azote atmosphérique, réduisant ainsi le besoin en engrais azotés.
– Mycorhizes : appliqués à une variété de cultures, des céréales aux légumes, ils augmentent la résistance aux stress et améliorent la nutrition des plantes.
Biostimulants d’origine végétale
Ces biostimulants sont dérivés d’algues, d’acides humiques et fulviques, et d’autres extraits végétaux. Les extraits d’algues, par exemple, sont riches en hormones de croissance naturelles et autres composés bénéfiques qui stimulent la croissance des plantes et augmentent leur résistance aux stress abiotiques.
Avantages et mécanismes d’action
– Extraits d’algues : ils facilitent la photosynthèse et renforcent la tolérance aux conditions environnementales difficiles.
– Acides humiques et fulviques : ils améliorent la structure du sol, augmentent la capacité de rétention d’eau et facilitent l’absorption des nutriments. Ils renforcent également la tolérance au stress abiotique et stimulent la croissance des plantes.
Biostimulants à base de composés organiques
Les acides aminés et les hydrolysats de protéines font partie de cette catégorie. Ils fournissent les blocs de construction essentiels pour la croissance cellulaire et aident les plantes à se rétablir après des périodes de stress.
Impact sur la croissance et la santé des plantes
– Acides aminés : utilisés pour la synthèse des protéines, ils jouent un rôle crucial dans la croissance et le développement des plantes.
– Hydrolats de protéines : il s’agit d’un groupe de biostimulants végétaux qui sont produits par hydrolyse enzymatique et/ou chimique et contiennent un mélange de peptides et d’acides aminés. Ils peuvent également contenir d’autres composés susceptibles de contribuer à leur action biostimulante, tels que des glucides, des phénols, des éléments minéraux, des phytohormones et d’autres composés organiques. Selon des études scientifiques, ils aident à la récupération des plantes après des stress et stimulent la croissance notamment par l’augmentation du métabolisme du carbone et de l’azote, l’amélioration du métabolisme secondaire, la régulation positive des gènes codant pour l’absorption des nitrates, et la stimulation des activités enzymatiques liées à l’absorption du fer par les racines.
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