Mobilité & transports du futur | Quels défis et quels enjeux ?
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Les différentes pistes présentées dans la première et deuxième note du dossier ne sont pas exemptes de limites et devront surmonter de nombreux obstacles avant d’être opérationnelles. La liste des défis et enjeux est relativement longue, ce qui fait dire à de nombreux commentateurs que la mobilité telle que nous la connaissons, depuis des dizaines d’années, devraient exister encore longtemps.

Les infrastructures, un enjeu de taille

L’impact des innovations sur le paysage urbain

L’un des premiers défi auxquels les entreprises et les chercheurs en mobilité vont être confrontés est celui des infrastructures. Penser les nouvelles façons de se déplacer ne peut se concevoir sans envisager l’impact de ces innovations sur les infrastructures. Deux projets sont particulièrement concernés par ce point. Hyperloop, le projet d’Elon Musk et d’autres entreprises, avance comme argument principal que le coût au kilomètre de cette solution est bien moindre que celui d’autres moyens de locomotion traditionnel (notamment le chemin de fer). Cette assertion n’est vraie que dans le cas où le projet d’Hyperloop est implémenté dans des zones parfaitement plates. On constate d’ailleurs que pour l’heure, tous les essais ont été menés dans des régions parfaitement planes, que ce soit en zone désertique (comme au nord de Las Vegas) ou en Haute-Vienne. Pour pouvoir être installé dans d’autres types topographiques, il sera nécessaire de creuser des tunnels, de prévoir des ouvrages d’art, des ponts pour enjamber les rivières, ce qui occasionnera une explosion des coûts de production et d’installation et fera, sans doute, d’Hyperloop un moyen de locomotion au moins aussi couteux que les alternatives qu’il est censé concurrencer. De même, dès lors que le tunnel devra traverser une zone fortement urbanisée, de couteux travaux d’infrastructure et de voirie seront à envisager. Le même souci concerne le projet Urban Loop développé par les écoles d’ingénieurs qui, s’il veut pouvoir concurrencer la voiture personnelle et le taxi dans les grands centres urbains, nécessitera des travaux de modification de la voirie comme, par exemple, la construction de tunnels passant sous la voirie.

Mayday mayday !

L’autre type de projet qui présente des incertitudes liées aux infrastructures n’est autre que les taxis volants ou les taxis drones. Les promesses de ces modes de transport sont de véhiculer des passagers entre des stations dans les centres-villes. Outre la nécessité d’avoir une législation permettant cette possibilité, encore faut-il pouvoir décoller et atterrir ! Les solutions existantes (comme les taxis hélicoptères d’Uber) proposent des vols entre les aéroports et des héliports situés sur le toit de grand buildings new yorkais. Si la disponibilité des pistes de décollage n’est pas un problème dans les aéroports, celle des pistes en centre-ville s’avère plus faible. Là encore, faire atterrir des drones de très grandes dimensions nécessitera des infrastructures adaptées et très onéreuses. Les mégalopoles à forte densité de population seront difficiles à équiper tandis que les zones à faible densité de population mais pouvant accueillir des héliports n’auront pas suffisamment de passagers potentiels pour être attractives.

Airbus et le cabinet d’architectes néerlandais MVRVD travaillent à la définition de « vertiports » (photo ci-dessous) qui sont des plateformes conçues pour les véhicules volants dont le décollage et l’atterrissage se font à la verticale. Pour l’heure, les propositions sont encore de l’ordre de la prospective.

Vertiport

La question du défi énergétique

Sources d’énergie et empreinte carbone

Enjeu crucial, celui de l’énergie. La plupart des projets présentés nécessitent de l’électricité pour fonctionner. Or, tous les pays ne produisent pas leur électricité de la même façon. Si la France et les pays nordiques privilégient la production nucléaire pour la France et l’énergie hydro-électrique pour les pays du Nord – à l’empreinte carbone très faible – d’autres pays comme la Chine ou les Etats-Unis (ou l’Allemagne plus proche de chez nous) utilisent des méthodes au bilan carbone plus prononcé, notamment grâce à l’énergie fossile. Cette contrainte aura un impact non négligeable sur le développement des solutions de mobilité électrique et sur leur calendrier de mise en circulation.

Certains projets misent sur l’hydrogène et la pile à combustible. Si cette source d’énergie est très prometteuse, il n’en reste pas moins qu’elle n’est pas encore mure pour être implémentée à grande échelle. Sa production, pour l’heure, nécessite des énergies fossiles (uranium, charbon, pétrole et gaz naturel) très polluantes tandis que les énergies propres (comme le solaire et l’éolien) ne sont pas suffisantes pour basculer d’un mode de production à l’autre. D’autres parts, l’utilisation de la pile à combustible dans des véhicules électriques est une véritable contrainte en termes de volumes puisqu’elle nécessite un réservoir haute pression, une batterie tampon et une électronique de puissance en plus de la pile à combustible elle-même.

La sécurité au cœur des débats

Autre point noir, celui de la sécurité. Même si aucun mode de transport actuel n’est fiable à 100%, il n’en reste pas moins que la question de la fiabilité et de la sécurité se pose pour les modes de transport à venir. Nous l’avons déjà esquissé avec l’Hyperloop, les contraintes physiques sont drastiques. Outre la nécessité de minimiser les coudes dans le tube pour atteindre les vitesses promises, la solution requiert de faire le vide dans le tube. Or, l’objectif étant de transporter des passagers, il sera nécessaire d’alimenter en oxygène l’habitacle et d’en évacuer le CO2 émis, ce qui augmentera le volume des capsules et réduira leur sécurité. Du côté des drones, si faire voler un drone est aujourd’hui chose courante, les faire voler avec des passagers est un autre défi. Là aussi, la question de la sécurité des passagers sera au cœur des débats à venir autour des autorisations délivrées par les autorités pour permettre les vols habités. Quid de leur autonomie ? de leur stabilité ?

Cette question de la sécurité est fortement associée aux autorisations de déploiement des différentes solutions dans les pays concernés. VentureBeat, par exemple, appelle les pouvoir publics européens à entamer des discussions autour de la régulation des transports avant l’arrivée et le développement des solutions d’Hyperloop. Cette question est également essentielle en ce qui concerne la démocratisation de la voiture autonome ou encore le développement des solutions de mobilité aérienne.

 

La question des nouvelles mobilités prend de l’ampleur à mesure que les innovations technologiques gagnent en maturité et en faisabilité. Des idées qui n’étaient que fantasmes il y a quelques années encore, sont sur le point de devenir réalité. Voyager sous terre à la vitesse d’un avion supersonique, se déplacer dans des voitures sans chauffeurs ou des voitures volantes, se déplacer par drone ou dans des capsules pressurisées seront peut-être dans dix ou quinze ans les nouvelles normes de déplacement dans un monde qui aura su évoluer sous la contrainte d’un respect de plus en plus fort de l’environnement.

Toutefois, les défenseurs de ces solutions technologiques annoncent, pour la grande majorité, une disponibilité dans des délais très courts. Si l’on peut raisonnablement envisager que les drones de passagers (maturité des solutions techniques) et l’Hyperloop (manne financière accélérant son développement) soient disponibles dans une grosse quinzaine d’années, certaines solutions comme SpaceTrain reste de l’ordre du doux rêve. La seule certitude que l’on peut avoir, c’est que demain, quelque soit le mode de transport envisagé, ce dernier devra être décarboné.

 


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