Alors que le monde subit une crise environnementale majeure, nos modes de vie sont de nouveau décriés. Régime carné, tourisme, usage intensif du numérique et des technologies, transport et donc consommation en règle générale.
Sans se qualifier de mouvance environnementale, les CleanTech font de plus en plus parler d’elles, notamment au travers de leurs levées de fonds. 1,2 milliards y auraient ainsi été investis en 2018, plus de 4 milliards depuis 2012.
Qu’appelle-t-on une CleanTech ?
C’est un ensemble de technologies ou de services, œuvrant dans une logique d’optimisation, d’augmentation des performances de production, tout en cherchant à diminuer leur impact environnemental. En d’autres termes, comment produire des biens, des services de manière plus efficiente, tout en réduisant au maximum leur toxicité, déchets, consommation énergétique.
Ce mouvement qui prône une croissance « raisonnée », une croissance « verte », vient donc un peu en opposition au mouvement de décroissance, qui entrevoit le salut écologique de la planète par un changement brutal de nos modes de vies et de consommation. Cette vision est paradoxale et portée notamment par Bertrand Piccard[1]. Consommer, pour moins polluer… Pour lui, il n’y a plus besoin d’être écologique, à condition d’être logique. Il est possible de remplacer des vieux systèmes inefficients et polluants par de nouveaux, modernes, propres, efficaces. Remplacer ce qui pollue par quelque chose qui ne pollue plus ou qui pollue moins, conciliant ainsi croissance et protection de l’environnement. Un nouvel indicateur économique a été créé par le Boston Consulting Group, afin de valider la vertu de ce modèle, le «Total Societal Impact», ou TSI. Ce dernier démontre que les entreprises les plus responsables seraient plus rentables que la moyenne. De fait, aujourd’hui, une entreprise ne peut plus se contenter de satisfaire les seules exigences de ses actionnaires, à défaut de prendre le risque d’être désertée par ses clients et fuie par ses collaborateurs. 75 % des consommateurs déclarent être prêts à changer pour une marque plus engagée, sans compter que partout dans le monde, seuls 30 à 40 % des salariés se déclarent « engagés » au travail. Être une entreprise responsable, avec une éthique environnementale peut donc être logiquement un levier à la productivité et à la performance commerciale.
Généralement, les CleanTech s’articulent autour de différents secteurs : énergie, production et traitement des ressources naturelles, traitement des déchets, technologies industrielles, transports. Nous avons choisi dans cette note de veille de ne pas aborder l’ensemble de ces sujets et de se focaliser seulement sur quelques cas d’usage.
Une gestion et une valorisation des déchets : quand les ordures des uns font le trésor des autres.
Parmi les déchets posant un problème : le plastique. Sur les 6,3 milliards de tonnes produites depuis 1960, seul 9% ont été à ce jour recyclées, 12% incinérées, le reste s’accumulant dans des décharges et autres sites d’enfouissement, ou plus simplement dans la nature.
Deux façons d’aborder le problème, trouver des alternatives aux plastiques plus propres ou trouver un moyen de les recycler, de les valoriser.
Certains Bioplastiques peuvent par exemple être une alternative. La société Cassava propose des emballages dans une matière s’apparentant à du plastique mais issu de matière organique, le rendant biodégradable, compostable en quelques mois ou instantanément dans l’eau chaude. Le tout sans aucune matière toxique ; les résidus seraient même ingérables. A l’instar de Nuatan un bioplastique issu de matière renouvelable, biocompatibles et biodégradables.
Des chercheurs de la Chester University ont mis au point une technique pour transformer les plastiques non recyclables en hydrogène. Cette solution, si elle soulève des interrogations quant à son potentiel nuisible pour l’environnement – les gaz à effet de serre émis lors de la combustion seraient plus nocifs que le CO2 – pourrait néanmoins être une brique dans la résolution du problème du traitement et du recyclage des déchets plastiques.
Des initiatives apparaissent également en proposant d’aborder le problème sous l’angle de la sensibilisation, à l’image du projet « Plastic Odyssey ». Une mission en bateau de 3 ans, sillonnant les océans, avec à son bord une micro usine de traitement des plastiques, faisant office de démonstrateur et permettant de faire connaitre les impacts du plastique, de montrer comment mieux le valoriser, de mieux le recycler. L’objectif est d’inspirer les réseaux professionnels des pays visités pour faire naître des centres de valorisation durant les escales.
Vers une réduction du recours aux énergies fossiles
Un autre champ d’application des CleanTech est l’optimisation des technologies existantes et le recours à de nouvelles énergies dans un but de diminution de leur impact environnemental.
Dans l’industrie, la société Bulane a ainsi mis au point une solution permettant de produire, grâce à des électrolyseurs développés en partenariat avec le CNRS, une flamme hydrogène brûlant à plus de 2.500 °C, à partir de l’oxygène et l’hydrogène présents dans l’eau. Ce nouveau combustible vise à remplacer les combustions fossiles utilisées par les professionnels du brasage dans l’industrie et sur les chantiers et aurait déjà attiré les investisseurs, la société ayant ainsi levé 2,8 millions pour démocratiser le brasage à l’hydrogène.
La société Metron développe l’intelligence énergétique, grâce à l’association de la data et de la connaissance métier. La société parisienne permet aux industries intensives en énergie d’analyser et d’optimiser leurs consommations. La société se propose ensuite d’accompagner ses clients en les conseillant sur des types d’actions à mettre en œuvre ou peut prendre le contrôle des machines à distance afin d’optimiser leur gestion, avec l’accord du client évidemment.
OpenAirlines, avec SkyBreathe, constitue une solution de préservation du carburant pour les compagnies aériennes. Le logiciel utilise des algorithmes et le Big Data pour analyser automatiquement les données disponibles dans les enregistrements de vol et ainsi évaluer l’efficacité des vols : conditions de vol réelles (charge utile, conditions météorologiques, trajectoire de vol, contraintes du contrôle aérien, etc.). Sur la base de ces informations, les compagnies aériennes peuvent ajuster leurs pratiques afin de réduire leur consommation de carburant et économiser de l’argent, le carburant représentant environ 30% de leurs coûts.
CleanTech, vrai ou fausse bonne idée ?
La crise climatique offre à l’économie et au monde tel qu’on le connait, la possibilité unique de se réinventer, alors que nos modes de vie semblent avoir atteint leurs limites, n’offrant souvent qu’une vision consumériste des ressources de la planète. Cette crise constitue l’opportunité d’une transformation de notre rapport à l’économie et de manière générale à notre façon de consommer. N’est-il pas temps de penser origine des produits, process de fabrication, usage plutôt que propriété ? Les CleanTech constituent un premier niveau de réponse et permettent d’entrevoir un renouveau de la consommation et de la production de nos biens et services. Couplées aux actions individuelles, elles apportent une réponse à la sortie de crise, sans pour autant être une solution.
Après le charbon au 19eme, le pétrole au 20eme, les Terres rares seront-elles au centre des enjeux géopolitiques mondiaux du 21eme siècle ? Les dernières batailles commerciales Américano-chinoises tendent à montrer que c’est déjà le cas. De fait, elles constituent aujourd’hui les matériaux de bases présents dans les appareils numériques et de manière générale dans les technologies des énergies renouvelables (batteries, smartphones, ordinateurs, tablettes, véhicules électriques, panneaux solaires…), et donc indirectement au cœur des enjeux du secteur des Cleantech. Or, ces métaux rares sont aujourd’hui concentrés pour 40% sur les terres chinoises, Chine qui détient 90% de la production mondiale. Les autres pays y ont renoncé, au regard des conséquences environnementales et sanitaires. L’extraction de ces métaux se fait au détriment d’un coût environnemental et humain important qui ne semble pour le moment pas vraiment pris en compte. L’avenir des CleanTech n’est donc peut-être pas complétement au vert.
[1] Psychiatre et aéronaute suisse, co-développeur de l’avion solaire Solar Impulse.
Rédacteur : Maël Le Borgne, Start-up Manager – UNITEC
Télécharger la note de veille au format PDF
Vous pouvez nous suggérer des thèmes que vous souhaiteriez voir traités dans une prochaine Note (ou Dossier) de Veille
veille@unitec.fr