Dans cette note de veille de février, nous vous proposons un tour d’horizon du MaaS, cette discipline qui crée la mobilité de demain.
Note réalisée par Alexandre BERTIN – Responsable Veille & Prospective chez UNITEC
Train, tramway, métro, bus, taxi, VTC, trottinettes, vélo, scooter et évidemment voiture particulière, les habitants des grands pôles urbaines n’ont jamais connu une telle diversité dans leurs moyens de locomotion. Pourtant, se déplacer en ville de manière fluide n’a jamais été aussi compliqué.
En effet, depuis l’arrivée massive des solutions privées de déplacement, l’offre s’est démultipliée et chacun propose son service via une application ou un site web qui lui est propre, venant s’ajouter à l’offre existante sans réelle cohérence. Ainsi, pour se rendre d’un point A à un point B, l’usager doit parfois utiliser 4 ou 5 applications différentes, gérer autant de moyens de paiement, sans que son trajet soit pour autant optimisé. Face à ce constat, un concept est apparu, composé de 4 lettres – MaaS (Mobility as a Service) – répondant à la problématique des déplacements du point de vue de l’usager.
Le MaaS, ou mobilité servicielle en Français, a pour objectif de fournir à l’usager l’ensemble des solutions de mobilité existantes – en un lieu unique dématérialisé, sous forme d’application –pour se déplacer de la manière la plus fluide possible. Pour autant, le MaaS n’en est qu’à ses balbutiements et doit faire face à de nombreuses problématiques – unicité du service, interopérabilité, billettique, relations public-privé – avant de devenir la solution idéale du déplacement urbain sans couture, doté d’une « bonne connectivité ».
MaaS : quand le numérique bouscule la mobilité
Originellement, l’expression MaaS est apparue en 2014 en Finlande lorsqu’une start-up nommée MaaS Global a lancé l’application Whim, soutenue par le gouvernement finlandais de l’époque. Cette application mobile a pour but de rassembler toutes les offres de transport (public ou privé) sous un unique service. Concrètement, Whim propose pour chaque voyage une combinaison des meilleures options de transports en se basant sur le type d’abonnement de l’usager (il existe 4 formules). Après avoir validé l’itinéraire, l’application génère des e-billets sous forme de QR code. L’utilisateur a ensuite accès au récapitulatif de son trajet et peut visualiser ses déplacements sur une carte intégrée. L’application offre également la possibilité de se synchroniser aux agendas des utilisateurs afin de planifier à l’avance leurs futurs voyages. Preuve du succès du service, l’entreprise a levé 29M€ fin 2019. Ce modèle finlandais est à l’heure actuelle le plus abouti.
Le Boston Consulting Group propose une nomenclature du MaaS classant les projets selon le niveau de service proposé aux usagers. Le niveau 1 a trait à la simple planification des déplacements en intermodalité. On retrouve dans cette catégorie Google Maps et Waze mais aussi des applications comme Transit, Moovit. Le niveau 2 du MaaS regroupe les solutions qui, en plus du service de planification, permettent de payer, via une application mobile, le ou les titres de transport (ticketing et in-app payment). On retrouve dans cette catégorie des solutions telles que ReachNow de Moovel, Free2mov spécialisé dans les véhicules partagés qui regroupent, à Paris par exemple, tous les prestataires du partage. C’est également le modèle proposé par Uber dans le cadre de son offre de véhicules à la demande. Ou encore la proposition de la Ville de Vienne en Autriche avec son application WienMobil. Le niveau 3 est celui proposé par Whim, décrypté précédemment. Enfin, le 4ème et dernier niveau est celui d’une parfaite intégration de l’ensemble des solutions de mobilité répondant aux limites inhérentes au niveau 3. Selon le BCG, le modèle de niveau 3 souffre du manque d’incitations (incentives) poussant les usagers à préférer les modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle. En fixant un abonnement à 500€ par mois, la startup finlandaise MaaS Global a constaté que les usagers pour ce prix privilégiaient le moyen de transport individuel le plus cher et le plus polluant. Pour atteindre le niveau 4, il est nécessaire que l’ensemble des acteurs privés s’allient aux acteurs publics du transport afin d’offrir une solution viable économiquement, financièrement intéressante pour les usagers et socialement et écologiquement durable. Mais pour atteindre ce stade, chaque acteur doit jouer son rôle de manière coopérative.
Quelle place pour les pouvoirs publics en France ?
Il est donc primordial que pouvoirs publics et acteurs privés travaillent de concert au travers de partenariats (qui peuvent prendre différentes formes) afin de faire converger leurs intérêts propres vers des solutions viables. D’un côté, les pouvoirs publics doivent prendre des décisions qui vont dans le sens de l’intérêt commun par la maximisation de l’utilité sociale[1] là où les acteurs publics recherchent la maximisation de leur profit. Les premiers ont l’avantage de disposer d’une base d’usagers conséquente et d’une offre accessible compte tenu des subventions. Tandis que les seconds possèdent une expertise technique et technologique ainsi qu’une forme d’agilité qui manque aux pouvoirs publics.
La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), promulguée le 24 décembre 2019 vise à moderniser la mobilité tout en adressant des enjeux majeurs (d’infrastructure ou environnementaux) tout en encourageant les solutions innovantes. Ainsi, l’État programme 13,4 milliards d’euros d’investissements dans les infrastructures de transport d’ici 2022 et 14,3 milliards pour la période 2023-2027. Ce cadre légal doit permettre à la mobilité servicielle de se développer pour atteindre, dans les années à venir, le tant attendu niveau 4. Pour l’heure, des solutions se mettent en place sur les territoires, à l’initiative des pouvoirs publics que ce soient les Régions ou les collectivités locales. La quasi-totalité des régions ont pris l’initiative de créer un service d’information multimodale permettant la recherche d’itinéraires avec différents modes de transport, à l’image de BreizhGo en Bretagne. En Île-de-France, l’Autorité organisatrice des transports, a lancé Vianavigo une solution de mobilité dont l’objectif est de proposer, dès l’année 2020, une application « Ma Mobilité » qui regroupera tous les modes de transports (publics et privés) disponibles en Île-de-France et proposera un moyen de paiement unique. Ce modèle est calqué sur celui, à plus petite échelle de l’agglomération d’Annemasse qui propose un service similaire : Tac Mobilités. Les Hauts de France, proposent de leur côté un service de mobilité de niveau 2 avec la carte PassPass qui propose outre les informations liées à l’optimisation des itinéraires, la possibilité de louer des vélos en libre-service ou de recourir à l’autopartage, auxquels s’ajoutera bientôt le covoiturage longue distance et domicile travail. La Métropole de Saint Etienne a lancé, en juillet 2019, la version 2 de son service Moovizy, en partenariat avec Transdev, groupe mondial opérateur de mobilité, grâce à une nouvelle application qui réunit toutes les solutions possibles pour se déplacer : bus, tramway, trolleybus mais également vélo en libre-service, auto-partage, taxis, train ou co-voiturage. Grâce à cette application les usagers pourront s’informer, commander, réserver et même payer leurs déplacements. Ils se verront remettre une facture mensuelle. De leur côté, la RATP et le SNCF travaillent également au déploiement de solution MaaS. La RATP développe Hopen MaaS, une offre à destination des Autorités Organisatrices de la Mobilité qui couvre le parcours usagers de la planification de trajet au paiement unique sur application. Le service est déployé (à des degrés divers) dans plusieurs réseaux de transport en France comme à Aubagne, Caen ou Montbéliard. La SNCF a lancé au deuxième semestre 2019 sa nouvelle application, l’Assistant SNCF, qui se veut intégratrice de toutes les mobilités pour plus de 13 millions d’utilisateurs, ce qui en fait la plus grosse application MaaS de France.
Faciliter les déplacements en milieu urbain par une meilleure interopérabilité des services c’est également prendre le risque d’engorger un peu plus les villes. Si la voiture autonome n’est pas encore dans une phase de déploiement massif, les planificateurs urbains prévoient d’ores et déjà son arrivée dans les grandes métropoles du monde entier. Toutefois, le remplacement des véhicules particuliers classiques par des voitures autonomes ne sera soutenable que si ces dernières sont organisées en flotte et sont parfaitement intégrées dans l’offre de mobilité servicielle. A l’heure de l’arrivée de ces solutions, nous pouvons raisonnablement penser que l’ensemble des acteurs impliqués (public et privé) se seront mis autour de la table afin de proposer un MaaS de niveau 4 qui sera pleinement incorporé à la SmartCity de demain.
[1] Définies par Jean Gadrey comme contribuant à la cohésion sociale, à la solidarité, à la sociabilité et au développement humain. Jean Gadrey, « L’utilité sociale des organisations de l’économie sociale et solidaire », rapport de synthèse pour la DIIESES et la MIRE, septembre 2003.
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