Des cryptomonnaies de plus en plus volatiles
Alors que les cours des cryptomonnaies jouent au yoyo depuis plus d’un an, qu’elles enchainent les fortes valorisations et les dépressions pouvant faire penser à des mini crash, les cryptomonnaies ont connu une année 2017 des plus agitées.
Le Bitcoin vient en effet de connaître une chute de plus de 50% de sa valeur en un moins passant ainsi sous la barre des 10.000$ mi-janvier après avoir connu un pic à près de 20.000$ mi-décembre. Dans son sillage, les autres cryptomonnaies ont également vu leur valorisation chuter : le Ripple étant côté 1,16$ le 22 janvier contre alors qu’il avait atteint 2,73$ le 08 janvier dernier, l’ether de son côté atteignant 951$ ce même jour contre 1380$ le 13 janvier.
Si la volatilité des cryptomonnaies est l’une de leurs caractéristiques principales, il n’en reste pas moins que les investisseurs et celles et ceux qui s’intéressent à ces monnaies peuvent y perdre leur latin. Les motifs des récentes fluctuations sont peut-être à chercher du côté des régulateurs des marchés financiers de part le monde. En Asie, la Corée du Sud et la Chine seraient enclines à interdire tout simplement les échanges en cryptomonnaies et des plateformes d’échange de cryptomonnaies ont même été perquisitionnées en Corée du Sud. En Allemagne, la Bundesbank, plaide de son côté pour une réglementation mondiale du bitcoin et des cryptomonnaies. Enfin, en France, Bruno Le Maire a d’ailleurs annoncé une mission sur le sujet des cryptomonnaies. Le Ministre français de l’économie s’est inquiété des risques de spéculation, de fraude et de détournements financiers liés aux cryptomonnaies.
Les cryptomonnaies indexées comme remède à la volatilité ?
Une des solutions à la forte volatilité de ces cryptomonnaies pourrait résider dans la création de monnaies adossées à d’autres formes de valeurs réputées beaucoup plus stables.
Certains pays songent, par exemple, à créer leur propre cryptomonnaies indexées sur la monnaie nationale. Le Royaume-Uni pourrait ainsi lancer sa propre cryptomonnaie indexée sur la livre sterling. La Russie est également intéressée par le lancement d’une cryptomonnaie (le cryptorouble) qui serait indexée sur la monnaie nationale et qui serait la seule à être autorisée dans le pays. L’objectif annoncé est clair : permettre au gouvernement de renforcer l’économie du pays et d’attirer les investisseurs étrangers en limitant l’impact des sanctions internationales qui pèsent sur la Russie. L’avantage de ces cryptomonnaies « nationales » c’est d’être surveillées par les autorités de marché et donc de ne pas être employées à des fins illégales (comme le trafic d’armes ou de drogue, le blanchiment d’argent, etc.).
En Estonie, le projet gouvernemental va encore plus loin. Après avoir offert la e-citoyenneté à plusieurs milliers de personnes étrangères, l’Estonie veut désormais lancer sa propre cryptomonnaie nationale l’Estcoin. L’idée est simple selon Kaspar Korjus, directeur du programme e-residency estonien, et elle s’inscrirait pleinement dans la stratégie numérique mise en place depuis 2014: l’Estonie lancerait une ICO (Initial Coin Offering) lui permettant de lever des fonds dans cette nouvelle monnaie et serait accessible à l’ensemble des citoyens estoniens auxquels s’ajoutent les e-citoyens venus du monde entier. Dans le secteur privé, cela « permettra aux entreprises de renforcer leurs financements et d’inciter un large éventail de personnes à développer leurs activités en Estonie », explique Korjus.
En Suède, suite à la constatation d’une chute importante de l’utilisation de la monnaie et du cash dans les transactions quotidiennes (elle ne représenterait que 15% de l’ensemble des transactions commerciales) due principalement à la pénétration très importante des paiements via mobiles, le gouvernement est en train de plancher sur un projet de « e-krona » (pdf). Cette monnaie électronique serait complémentaire à la couronne danoise.
Mais une autre tendance se dessinent à savoir l’adossement de cryptomonnaies sur des matières premières dont les cours sont réputés plus stables.
Le Venezuela de Nicolàs Maduro a été un des premiers pays à véritablement penser adosser une cryptomonnaie sur l’une de sa ressource clé : le pétrole. La monnaie nationale, le Bolivar a subi depuis 2013 de fortes dévaluations qui lui ont fait perdre près de 99% de sa valeur d’alors, associé à une crise économique profonde et à une inflation galopante (+650% en 2016). Le Venezuela est réputé être le pays dont les réserves pétrolières sont les plus importantes au monde (95% de ses ressources à l’exportation), ce qui donne idée aux économistes proches du pouvoir de créer une monnaie virtuelle qui serait indexée sur cette ressource : le Pétro. En liant cette monnaie aux stocks de pétrole, le Petro bénéficierait d’une crédibilité qui fait défaut au Bolivar. La valeur minimale garantie serait de 5,3 milliards de barils de pétrole brut. Parmi les 100 millions de Petros qui seront émis, 38 millions seront proposés à des investisseurs institutionnels. La mise en vente débutera le 15 février prochain et devrait, selon le gouvernement, permettre de lever 1,3 milliard de dollars. La phase suivante, ce sera de proposer 44 millions de Petros à la population, pour un total de 2.4 milliards de dollars. Le reste, soit 18 millions de Petros, seront distribués au gouvernement et à des conseillers (source : coin24.fr).
Le pétrole suscite l’intérêt de start-ups comme OilCoin.co qui lancera en 2018 une ICO dont l’objectif sera de créer une monnaie virtuelle l’oilcoin qui sera adossé aux réserves mondiales de pétrole.
Selon le livre blanc (pdf) décrivant le projet, chaque OilCoin représentera la valeur « tokénisée [1]» d’un baril de pétrole. En ce sens, contrairement aux cryptomonnaies traditionnelles, l’OilCoin sera relativement moins volatile – elle sera en ce sens autant volatile que le pétrole. Pour Alexandre Kateb, économiste et directeur du cabinet de conseil et d’analyse Compétence Finance, «l’OilCoin essaiera de suivre l’évolution des prix du pétrole, tout comme le fait un instrument financier de contrat pétrolier à terme».
Le diamant et l’argent ne sont pas en reste. L’Israel, par exemple, vient de confier à une star-up carats.io la mission de créer une cryptodevise adossée au diamant. Une unité monétaire valant un dollar. L’objectif avoué est de simplifier le commerce de diamant selon Yoram Dvash, le président de la bourse des diamants Israel Diamond Exchange (IDE). Cette monnaie numérique devrait être dédiée au commerce entre diamantaires et fabricants de bijoux. Du côté de l’argent, une communauté d’investisseurs a décidé de lancer un projet basé sur la blockchain dont l’objectif est de réunir autour d’une cryptomonnaie l’ensemble des acteurs : les investisseurs, les marchands, les compagnies minières et les industriels. Selon les auteurs du livre blanc, « le Lode Silver System (LSS) est une idée, un résumé de ce que certains membres de la communauté LODE ont conçu et adapté pour répondre, dans la société globalisée, aux besoins des partisans d’une monnaie saine qui considèrent que l’argent métal pour servir de réserve de valeur accessible, contrôlable, sûre et, lorsque « exprimée » sur une blockchain privée, peut devenir un moyen d’échange prépondérant, rendant au système économique une unité de compte fongible, privée, résiliente et autonome. » Composé de deux actifs le Lode Coin qui exprimera la contribution d’un participant au LSS et un droit à rendement croissant et le AGX Coin, dont la valeur correspondra au gramme d’argent disponible dans les réserves du LSS, qui pourra être transféré dans un digital wallet et utilisable avec une simple carte Visa.
Mais l’avenir n’est pas forcément là où on l’attend. Plus près de nous, en France, VeraCash propose une monnaie complémentaire à l’euro, basée sur l’or, l’argent et les diamants. Une monnaie sécurisée assortie d’une carte de paiement (la VeraCarte) qui permet d’acheter n’importe quel produit de consommation courante, dès lors que le commerçant l’accepte.
Initié par le bordelais AuCoffre.com, l’objectif est d’offrir au plus grand nombre une alternative au système bancaire classique sans pour autant se jeter dans l’univers parfois obscur des cryptomonnaies.
[1] Un token est un actif numérique pouvant être transféré (et non copié) entre deux parties sur Internet, sans nécessiter l’accord d’un tiers.
Auteur : Alexandre BERTIN
Plus d’infos via veille@unitec.fr
publiée en décembre 2017