La gestion de la crise de la Covid-19 en Corée du Sud : Un cas particulier dû à son histoire récente
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La Corée du Sud a été confronté à deux crises majeures, en 2014 puis en 2015, qui n’ont pas laissé indemnes les gouvernements de l’époque ni la population coréenne.

 

 

En avril 2014, le Sewol, un ferry transportant 476 personnes dont majoritairement des lycéens a chaviré à 1,5 km au large de l’île Donggeocha.


Photo: AFP / EyePress/ Korea Coast Guard

En tout, 304 passagers et membres d’équipage ont péri dans la catastrophe. Cette tragédie a profondément marqué les coréens, critiques de la façon dont l’Etat a géré la situation.

Au-delà des erreurs de communication (le nombre de rescapés variant d’une heure à l’autre, les chiffres se contredisant en permanence), ou du refus exprimés par les autorités maritime aux pays proposant leur aide (les Etats-Unis et le Japon ayant proposés des navires pour intervenir sur les lieux du sinistre), c’est surtout le manque d’anticipation et de discernement dans la gestion de crise qui a été reproché au gouvernement ainsi qu’aux différentes strates administratives impliquées dans la gestion du naufrage. En conséquence, le Premier Ministre, Chung Hong-won, démissionne et le corps des garde-côtes est dissout.

 

Un an plus tard, entre mai et juillet 2015, la Corée du Sud subit de plein fouet, une épidémie de MERS (Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient, apparu en Arabie Saoudite en 2012) qui touche 186 personnes et en tue 36, ce qui fait du pays le principal foyer en dehors de l’Arabie Saoudite elle-même.

 

 

Une fois de plus, le gouvernement est critiqué pour sa mauvaise gestion et son inaction face à l’épidémie. Parmi les griefs, la lenteur des autorités à approuver les kits de test et de dépistage et le fait que seuls cinq laboratoires publics aient été impliqués dans le diagnostic. Il a fallu alors entre quatre et cinq jours pour obtenir les résultats : les patients souffrant de difficultés respiratoires n’étaient pas diagnostiqués comme malades et contaminaient les autres sans le savoir.

Suite à ces deux catastrophes traumatisantes, le pays a pris une série de mesures visant à être parfaitement préparé en cas de survenue d’une crise qu’elle soit sanitaire ou non. Du point de vue de la loi, plusieurs amendements ont été apportés à la loi-cadre de 2004 “Disaster and Safety Management Framework Act” afin de redéfinir la gestion de crise en un schéma unique et intégré quel que soit le type de catastrophe. Par ailleurs, les budgets alloués à la gestion de crise ont été optimisés en fonction des consultations réalisés auprès d’organisations de terrain.

 

Une organisation remise en cause…

 

Du point de vue organisationnel, les autorités ont décidé de recentraliser le pilotage de la gestion de crise sous l’égide d’un Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité qui coordonne dorénavant les décisions prises au niveau des différents ministères impliqués. Un centre opérationnel a été mis en place (le National Disaster and Safety Control Center) pour gérer les situations de crise dès avant son apparition (par anticipation et modélisation), pendant le déroulement de celle-ci (par l’action et la réactivité), et après cette dernière (pour gérer la sortie de crise) dépendant d’un vice Ministre dédié.

Au-delà de la centralisation du pilotage, une responsabilité accrue est octroyée aux autorités locales qui sont compétentes en matière de premier secours et de réponse de proximité. Ces dernières ont alors obligation de mettre en place des divisions dédiées à la gestion de crise et de développer des plans de sécurité en cohérence avec les schémas nationaux de prévention. La coopération entre les différents échelons administratifs est un des éléments clés de la réussite des politiques de prévention et d’intervention.

Après l’épidémie du MERS, la Corée amendait le Infection Disease Control and Prevention Act qui vise à “contribuer à l’amélioration et au maintien de la santé des citoyens en prévenant la survenue et la prévalence de maladies infectieuses dangereuses pour la santé des citoyens et en prescrivant les questions nécessaires à leur prévention et à leur contrôle.”

Le pays a confié à la KCDC (Centre coréen de prévention et de contrôle des maladies) l’autorité légale de collecter des données personnelles sans mandat. Ces données viennent alimenter une base de données nationales visant deux objectifs : une évaluation des risques (surveillance, détection, analyse) et la communication  à destination des autorités publiques et des citoyens(information, alerte), à travers le Public Safety Map Service qui propose de recenser au travers de cartes des informations dans huit domaines (voir infographie) dont celui des désastres naturels. Ce service, également accessible via une application mobile, alerte en temps réel les utilisateurs dès lors qu’ils entrent dans une zone dangereuse ou concernée par un risque. Selon le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, près de 3 millions de coréens utiliseraient cette application.


Source : www.mois.go.kr

 

Par ailleurs, le KCDC utilise ce vaste système d’informations pour établir le Korea Safety Index qui propose, à chacune des administrations locales un score de sécurité basé sur l’agrégation de données et de statistiques portant sur les accidents de la route, les incendies, les homicides, les accidents ménagers, les suicides et les accidents et les maladies infectieuses.

Chaque région peut alors utiliser cet indice (compris entre 1 et 5) pour auditer les territoires et déployer les ressources humaines et financières de manière plus efficace et rapide. L’administration rend également des comptes aux citoyens annuellement en présentant les résultats de manière transparente. Résultat, les incidents et les accidents ont connu une baisse importante depuis l’instauration de cet indicateur.

Le pays a également mené une politique “agressive” d’offre en matière de santé. Même si les dépenses publiques de santé  annuelles par habitants (1287€ en 2018) restent bien en deçà de celle de la France par exemple (3278€ la même année), celles-ci ont été multipliées par 6 depuis 1999 (201€ à l’époque). Depuis 2015, suite aux tragédies, les gouvernements successifs ont mis la santé et la sécurité au coeur de la politique publique.

Par le développement et le contrôle des stocks et des réserves stratégiques tout d’abord. Un plan national, renouvelé tous les 5 ans, dicte les consignes en matière de stockages de produits et vaccins pour lutter contre les épidémies.  La conservation et la distribution de matériel de protection (comme les masques, ou les médicaments antiviraux) sont également devenues centrales : cinq centres de stockage ont été répartis sur tout le territoire national afin de livrer hôpitaux, centres de santé et population dans un délai ultra court.

Ajouté à cela, une gestion en temps  réel des stocks a été mise en place afin de ne plus être pris au dépourvu comme lors de l’épisode du MERS.

 


Organisation interministérielle de réponse à la crise de la Covid-19 en Corée du Sud. Source : www.ncov.mohw.go.kr

 

Enfin, la Corée a réorganisé son système d’alerte et de réaction aux différentes crises (sanitaires ou sociale). Pour cela, elle a développé un arsenal d’exercices de simulation de crise avec l’ensemble des parties prenantes. Plus de vingt scénarios ont été mis au point (dont accidents de la circulation, tremblement de terre, larges incendies, accidents chimiques, bioterrorisme ou explosion d’un réacteur nucléaire, pandémie …). Tous les ans, un exercice géant est organisé à l’occasion du Disaster Safe Korea permettant à tous les citoyens de maîtriser les gestes de sécurité et d’être ultra-réactifs en cas de survenue d’un incident de grande ampleur.

 

Au-delà des excellents résultats sanitaires, la stratégie sud-coréenne de lutte contre la propagation de la maladie aura également eu comme effet d’amoindrir l’impact économique de la pandémie. Avec une baisse du PIB évaluée à 1,2% pour l’année 2020 par le FMI, la Corée du Sud est l’un des pays les moins touchés économiquement quand la France devrait voir son PIB baisser de près de 11%, l’Italie et l’Espagne -12,8 % , le Royaume-Uni -10,2 % et l’Allemagne -7,8 % en Europe, soit une crise plus sévère que prévue

 

 

Dossier de veille réalisé par Alexandre BERTIN

 


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novembre 29, 2024