L’Hydrogène, promesse d’une révolution énergétique (1/2)
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Au cœur des débats sur l’avenir énergétique et la transition écologique, l’hydrogène émerge comme une promesse de révolution. Cet élément chimique, le plus simple et le plus abondant dans l’univers, pourrait être la clé d’un monde moins dépendant des énergies fossiles et plus respectueux de l’environnement. Parvenir à se détacher de la consommation d’énergies fossiles revêt un triple enjeu de souveraineté énergétique, de décarbonation et de durabilité. L’utilisation d’hydrogène est clairement identifiée comme indispensable pour atteindre les objectifs de durabilité.

Pourtant, derrière son apparente simplicité se cachent des défis technologiques, économiques et environnementaux considérables.

L’hydrogène est-il vraiment la clé d’un avenir énergétique durable ? C’est ce que nous allons découvrir.

L’Hydrogène : petit par sa simplicité, grand par son potentiel

L’hydrogène, souvent cité comme le carburant du futur, présente un potentiel immense pour alimenter en énergie des secteurs variés, allant du transport à l’industrie lourde. Sa capacité à stocker l’énergie de manière dense le rend particulièrement attrayant dans un contexte où les sources d’énergie renouvelables prennent une importance croissante.

Cependant, malgré ses atouts, l’hydrogène n’est pas la panacée. Sa production, son stockage et son utilisation posent des questions complexes. À titre d’exemple, 94% de l’hydrogène actuellement produit est issu de sources fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon : hydrogène qu’on appelle gris), ce qui soulève des inquiétudes environnementales. De plus, le développement d’une infrastructure adaptée à une utilisation à grande échelle représente un défi majeur.

Les différents types d’Hydrogène

Selon la source d’énergie utilisée pour sa production, l’hydrogène est catégorisé en différentes catégories :

  • Hydrogène Gris : Produit à partir de combustibles fossiles, principalement par reformage du méthane, avec des émissions significatives de CO₂. C’est l’hydrogène le plus couramment produit et aussi celui à l’impact environnemental négatif le plus important.
  • Hydrogène Bleu : Similaire à l’hydrogène gris, mais les émissions de CO₂ sont capturées et stockées (principe Capture et Stockage du Carbone) ou réutilisées. Bien que plus propre que l’hydrogène gris, son impact environnemental dépend de l’efficacité du processus de capture du CO₂.
  • Hydrogène Vert : Produit par électrolyse de l’eau en utilisant de l’énergie renouvelable. C’est la forme la plus propre d’hydrogène, sans émissions directes de gaz à effet de serre. Principal écueil : il est l’hydrogène le plus coûteux à produire.
  • Hydrogène Jaune : L’hydrogène jaune fait référence à l’hydrogène produit par électrolyse où l’électricité provient de sources d’énergie solaire.
  • Hydrogène Violet : Hydrogène est produit par électrolyse en utilisant de l’électricité générée par l’énergie nucléaire.
  • Hydrogène turquoise : Produit par pyrolyse du méthane, ce processus émet du carbone solide au lieu du CO₂, offrant ainsi une alternative potentiellement moins polluante que le reformage du méthane.
  • Hydrogène blanc (ou natif) : hydrogène naturellement présent dans la roche terrestre, il est sans contexte la molécule la moins polluante. Pour autant, son extraction n’est pas sans conséquence environnementale (processus de recherche en bas-fonds marins, fuites, stockage et transport, production de vapeur à effet de serre). Une réserve a très récemment été découverte en Moselle alimentant les fantasmes quant à la possibilité de faire de l’hydrogène le pétrole du 21e siècle.

Selon le Global Hydrogen Review 2022 publié par l’Agence Internationale à l’Énergie, la demande en hydrogène a atteint 94 millions de tonnes en 2021 (dont 8,5 tonnes en Europe), représentant 2,5% de la consommation finale d’énergie au niveau mondial et pèse plus de 100 milliards d’euros. À cette production sont associées des émissions de CO₂ de l’ordre de 900 millions de tonnes. Le gaz naturel sans utilisation de la capture et du stockage du carbone (CCUS) est la principale voie de production, représentant 62% de la production totale d’hydrogène. La part d’hydrogène produit à partir de charbon comptait pour 19% de la production totale en 2021, principalement en Chine. L’hydrogène est également un sous-produit du reformage du naphta dans les raffineries, ce qui représente 18% de la production totale et est ensuite utilisé pour d’autres processus de raffinerie.

La production d’Hydrogène

La production d’hydrogène peut être réalisée par divers procédés :

1. Électrolyse de l’Eau : L’électrolyse utilise le courant électrique pour décomposer l’eau (H₂O) en oxygène (O₂) et hydrogène (H₂). Lorsque cette électricité provient de sources renouvelables, l’hydrogène produit est qualifié de « vert ». C’est une méthode propre, car elle n’émet que de l’eau et de l’oxygène. Cependant, elle est énergivore et nécessite donc des sources d’énergie renouvelable bon marché et abondante pour être viable économiquement.

Processus d’électrolyse par membrane (Source : https://normandhy.airliquide.com/)

2. Reformage du Méthane : C’est la méthode la plus répandue pour la production d’hydrogène industriel. Elle implique de faire réagir du méthane avec de la vapeur d’eau pour produire de l’hydrogène et du dioxyde de carbone (CO₂). Bien que cette méthode soit plus économique que l’électrolyse, elle produit du CO₂, contribuant ainsi aux émissions de gaz à effet de serre.

À côté de ces méthodes principales, on trouve d’autres procédés moins courants :

  • La gazéification du charbon qui utilise la chaleur et les réactions chimiques pour libérer l’hydrogène contenu dans des matériaux organiques comme le charbon.
  • La pyrolyse du méthane ; par la montée en température du méthane sans oxygène. Le gaz se décompose alors en deux types de produits : du carbone (solide) et de l’hydrogène (gaz).
  • Des procédés biologiques qui utilisent des microorganismes comme les bactéries pour produire de l’hydrogène à partir de matières organiques ou de la lumière. Ways2H, entreprise américaine, propose une solution de production d’hydrogène à partir de retraitement des déchets, y compris organiques et plastiques.
  • La production d’hydrogène renouvelable comme le propose Lhyfe avec ses unités de production adaptées et modulables : unités de production Onshore, unités de production On-site et unités de production Offshore. La technologie propre de Lhyfe combine de l’eau douce et de l’énergie renouvelable (éolien principalement) pour des rejets sans aucun impact sur l’environnement.

Pour un panorama exhaustif des solutions hydrogène, le lecteur pourra se tourner vers l’excellent rapport réalisé en octobre 2023 par France Hydrogène.

Stockage et Transport

L’un des défis majeurs en ce qui concerne l’hydrogène est son stockage et son transport. Une fois l’hydrogène produit, il faut être en mesure de le stocker pour pouvoir le convertir en électricité le moment venu. Pour cela, il existe différentes méthodes, chacune présentant quelques avantages et pour l’instant encore trop d’inconvénients. Le stockage sous forme liquide qui, certes, présente une densité intéressante est très coûteux en énergie puisqu’il ne devient liquide qu’à des températures inférieures à -250°C. Il nécessite des réservoirs cryogéniques pour être stocké sous cette forme. Autre possibilité : conserver l’hydrogène à l’état gazeux. L’avantage est son poids puisque sous cette forme il est très léger. Ce qui en fait également son principal inconvénient, car il va falloir le compresser pour le stocker dans des bouteilles ou des réservoirs en acier prévus à cet effet. Ainsi, les avantages sont contrebalancés par un encombrement et une masse importants.

Le stockage sous forme solide est également possible par la séquestration du gaz au sein d’un matériau solide. Cette séquestration peut être de nature chimique ou physique selon le type de matériau. Enfin, l’hydrogène peut être stocké sous forme chimique dans des “vecteurs d’hydrogène” comme l’ammoniac (NH₃) ou des liquides organiques hydriques, permettant un transport plus facile. Cependant, ces méthodes impliquent des processus de conversion supplémentaires, avec des pertes d’énergie et des coûts accrus.

Forte de plus de 100 années d’existence, Roth2 est une société lyonnaise, spécialisée à l’origine dans la fabrication des siphons cafetiers à haute pression, qui fabrique des bouteilles de stockage de l’hydrogène en acier allant jusqu’à une pression de 1000 bars. En applications stationnaires pour les métiers de la mobilité (fourniture d’énergie pour les véhicules équipés) ou en applications stationnaires pour les process industriels, Roth2 permet un stockage et un transport facilités de l’hydrogène.

HySiLabs, autre start-up française spécialisée dans le stockage de l’hydrogène, propose une innovation qui permet d’enfermer les molécules d’hydrogène dans un support liquide à base de silice, d’où il peut ensuite être libéré à la demande. Les premiers tests ont donné des résultats très positifs, le transport est stable et l’hydrogène peut être stocké en toute sécurité dans un endroit respectant les conditions de pression et de température appropriées.

L’Hydrogène, acteur clé de la transition énergétique

L’hydrogène, avec ses propriétés uniques, joue un rôle crucial dans la transition énergétique. Sa capacité à se fondre dans différents secteurs énergétiques tout en offrant une alternative propre aux combustibles fossiles le positionne comme un acteur essentiel de l’énergie durable.

Complémentarité avec les énergies renouvelables

L’hydrogène permet de répondre au défi de l’intermittence de certaines énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire et à la nécessité de devoir stocker l’énergie produite.  L’hydrogène, en tant que moyen de stockage d’énergie, peut accumuler l’énergie excédentaire produite par ces sources renouvelables, la libérant ensuite selon les besoins. Pour cela, les piles à combustible permettent le stockage/déstockage à la demande de l’énergie produite par l’hydrogène. Selon Wikipédia, une pile à combustible est un générateur électrique dans lequel la fabrication de l’électricité se fait grâce à l’oxydation, sur une électrode, d’un combustible réducteur (par exemple le dihydrogène), couplée à la réduction sur l’autre électrode d’un oxydant, tel que le dioxygène de l’air.  L’intérêt de la pile à combustible est qu’elle ne rejette que de l’eau lors de la production d’énergie, en faisant d’elle une technologie peu polluante.

Principe de fonctionnement d’une pile à combustible par oxydoréduction (source : h2-mobile.fr)

On dénombre actuellement six grands types de piles à combustible

AFC (Alcaline Fuel Cells) : ces piles alcalines fonctionnent à une température très limitée comprise entre 65 et 90 degrés Celsius. Utilisées dans le cadre des missions Apollo, elles offrent un rendement de 50 %.

PEMFC (Proton Exchange Membrane Fuel Cells) : ces piles à membranes échangeuses de protons bénéficient d’un démarrage rapide et puissant. Fonctionnant à faible température (entre 20 et 100 degrés Celsius), elles servent généralement à alimenter des véhicules ou des installations de petites dimensions.

DMFC (Direct Methanol Fuel Cell) : ces piles sont alimentées par du méthanol. Celui-ci est injecté sur leur anode grâce à de l’eau. Son oxydation suite à la catalyse génère des ions H+, ainsi que du gaz carbonique.

PAFC (Phosphoric Acid Fuel Cells) : issues d’une technologie récente, ces piles à acide phosphorique peuvent fonctionner jusqu’à 210 degrés Celsius. La chaleur très importante qu’elles produisent permet de les utiliser pour une cogénération. Elles alimentent généralement des structures stationnaires dotées d’une puissance de plusieurs dizaines de mégawatts.

MCFC (Molten Carbonate Fuel Cells) : ces piles à carbonates de potassium et de lithium fondus fonctionnent à des températures supérieures comprises entre 600 et 700 degrés Celsius. Leur rendement va de 60 à 80 %. Elles servent à alimenter d’importantes installations énergétiques stationnaires.

SOFC (Solid Oxyde Fuel Cells) : ces piles à oxydes solides fonctionnent à une température encore plus forte que la catégorie précédente (entre 800 et 1000 degrés Celsius). Démarrant lentement et nécessitant des composants pouvant résister à des températures très élevées, elles permettent de générer de l’électricité stationnaire.                     

Source : www.h2-mobile.fr

Intégration dans les infrastructures existantes

Un avantage majeur de l’hydrogène est sa capacité à s’intégrer dans l’infrastructure énergétique existante. Par exemple, certains réseaux de gaz naturel peuvent être adaptés pour transporter l’hydrogène, ou un mélange de gaz naturel et d’hydrogène, ce qui facilite la transition vers un système énergétique plus propre. L’Allemagne s’est engagée dans une initiative appelée « Power-to-Gas« , qui consiste à utiliser l’électricité excédentaire, notamment celle produite à partir d’énergies renouvelables intermittentes, pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Cet hydrogène peut ensuite être injecté dans le réseau de gaz naturel existant, notamment le réseau de gaz naturel de l’Allemagne, l’un des plus importants d’Europe. Le Royaume-Uni déploie depuis décembre 2023 l’initiative HyDeploy dont l’objectif est d’injecter de l’hydrogène dans le réseau de gaz naturel britannique pour alimenter les foyers et les entreprises à hauteur de 20%.

Figure 1Chaîne de valeur simplifiée de l’hydrogène (Source : cereme.fr)

Applications pratiques de l’hydrogène

Au-delà de son rôle dans la transition énergétique, l’hydrogène offre des opportunités dans plusieurs domaines, ouvrant la voie à de nouvelles innovations et améliorations technologiques. En 2018, l’hydrogène était essentiellement utilisé dans l’industrie comme réactif. En France, l’hydrogène sert en particulier pour le raffinage des carburants (60 %), pour produire de l’ammoniac essentiellement pour les engrais agricoles (25 %), et la chimie (10 %).

Transport

En France, le secteur des transports était à lui seul responsable de 29% des émissions nationales de gaz à effet de serre en 2020. Véritable enjeu pour les pouvoirs publics,  le transport est l’un des domaines les plus prometteurs pour l’hydrogène. Les véhicules à pile à combustible (VPC) utilisent de l’hydrogène pour produire de l’électricité qui alimentera le moteur électrique. Contrairement aux véhicules électriques à batterie, les VPC peuvent être rechargés en quelques minutes et offrent une plus grande autonomie, ce qui les rend particulièrement adaptés aux véhicules lourds tels que les bus, les camions et les trains (12 TER à hydrogène devraient être déployés d’ici fin 2025 en France).

Plusieurs constructeurs automobiles et entreprises de transport investissent déjà dans cette technologie, montrant un avenir prometteur pour les VPC dans le secteur des transports. Une autre technologie d’hydrogène est également en développement, celle des moteurs à combustion interne à hydrogène (Hydrogen ICE). Il s’agit ici d’une modification des moteurs à explosion essence (soupapes différentes, bielles plus solides, bougies sans embout platine, etc.) dans lequel on injecte de l’hydrogène pur qui ne produit, en brulant, aucun rejet de monoxyde de carbone, ni d’hydrocarbure, ni de dioxyde de carbone. L’une des compagnies les plus en pointe est sans aucun doute Hyundai qui a présenté, lors du CES24 de Las Vegas, sa feuille de route du déploiement de sa stratégie hydrogène Hydrogen Vision 2040 avec comme objectif d’atteindre la neutralité carbone ­­avant 2040.

Le Trailer Drone de Hyundai est un système de transport de conteneurs autonome et alimenté à l’hydrogène (Source : Hyundai)

La décision européenne d’arrêter la production de véhicules thermiques neufs d’ici 2035 avec pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 sur le continent devrait contribuer à l’accélération de la recherche-développement autour des moteurs hydrogène et la commercialisation de véhicules propres.

Le transport aérien s’est fixé pour objectif de réduire d’ici à 2050 ses émissions de CO2 de 50% par rapport à leur niveau de 2005. Pour y parvenir, le secteur travaille à améliorer la performance des avions et des moteurs. Parmi les solutions envisagées, le e-fuel. Le e-fuel est un carburant de synthèse qui n’est pas fabriqué à partir de ressources fossiles comme le pétrole mais à partir de biomasse ou encore de dioxyde de carbone et d’hydrogène, mais nécessite un traitement industriel complexe : l’électrolyse décompose l’eau en hydrogène et en oxygène, puis l’hydrogène est combiné au dioxyde de carbone (CO2) pour créer un e-carburant liquide. L’hydrogène est produit à partir d’électricité renouvelable — idéalement, sinon l’opération n’a aucun intérêt — et le CO2 est prélevé directement dans l’atmosphère ou capturé dans des installations industrielles.

Industrie

L’hydrogène joue également un rôle crucial dans les processus industriels. On le retrouve dans les domaines suivants :

  • Raffinage et désulfurisation des produits du pétrole
  • Production d’ammoniac, à partir d’hydrogène et d’azote
  • Métallurgie où l’hydrogène remplace les combustibles fossiles.

En France, à l’occasion de l’Assemblée générale de France Hydrogène qui s’est tenue en février 2023, une série d’engagements a été prise par le Ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland Lescure pour non seulement faire de la France l’un des leaders mondiaux de l’hydrogène décarboné (grâce à une stratégie ambitieuse et des investissements forts)  réaffirmant les engagements tenus en 2018 (dans le cadre du plan hydrogène) puis dans la Stratégie nationale énoncée en 2020, mais aussi et surtout pour veiller à investir massivement dans la production d’hydrogène vert comme levier de décarbonation de l’industrie. En utilisant l’hydrogène comme intrant énergétique en substitution du charbon et du gaz naturel dans les procédés industriels (sidérurgiques, chimiques, etc.) et en développant des techniques de production de carburants synthétiques (combinant hydrogène et dioxyde de carbone) à émission neutre, la France veut miser sur cette énergie propre pour décarboner son industrie.

Chauffage et Production d’Electricité

L’hydrogène peut également être utilisé dans les centrales électriques et les systèmes de chauffage. Les centrales électriques à hydrogène, combinées avec la capture et le stockage du carbone, peuvent fournir une électricité bas carbone. Dans le secteur du chauffage, l’hydrogène pourrait être mélangé au gaz naturel ou utilisé pur dans les réseaux de distribution de gaz, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments résidentiels et commerciaux. BDR Therma Group propose, par exemple, la première chaudière domestique à hydrogène qui offre la possibilité à l’utilisateur de choisir entre un système de chauffe entièrement alimenté par de l’hydrogène ou par un mix gaz/hydrogène.

Continuez la lecture vers la partie 2 en cliquant sur l’image ci-dessous.

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avril 29, 2024