Le commerce vocal s’appréhende dans toutes ses dimensions marketing
L’augmentation de l’adoption des enceintes intelligentes par les consommateurs, couplée à l’utilisation croissante des recherches vocales ainsi qu’au recours toujours plus important aux assistants vocaux pour faire du shopping, suggèrent que le commerce vocal sera la prochaine disruption majeure pour la vente au détail en ligne. L’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et le traitement du langage naturel ont atteint des niveaux de précision inégalés dans l’affichage des requêtes, accélérant encore plus l’adoption de la recherche vocale. Il semble donc opportun pour tous les acteurs du commerce de se concentrer sur la stratégie d’optimisation de la recherche vocale.
Acteurs clés : Les GAFAM leader sur le marché du commerce vocal
Pour l’heure, ce sont les GAFAM[1] qui tirent leur épingle du jeu. En effet, Google[2], Amazon, Microsoft ou encore Apple propose des solutions technologiquement très complexes et matures (Cortona, Siri ou Alexa) mais également des places de marché vers lesquelles ces assistants intelligents renvoient. Lorsqu’une personne demande à Alexa de lui trouver la paire de baskets la moins chère, cette dernière va la renvoyer vers le store Amazon en premier.
Il est donc important pour les entreprises du e-commerce de travailler leur présence sur les différents stores mais aussi leur stratégie de référencement afin que l’intelligence artificielle ne noie pas leur boutique au milieu de centaines d’autres. Il existe un autre écueil au marché du voice commerce tel qu’il est établi aujourd’hui : les petits acteurs qui proposent des solutions ou des briques de solutions technologiques doivent affronter les géants d’internet qui au-delà d’être leurs concurrents sont surtout leurs prédateurs. Aussi, en 2019, des entreprises françaises développant des solutions liées à la recherche vocale ont créé une initiative, le VoiceLab – transformée depuis lors en place de marché – proposant aux acteurs français de se fédérer en vue de résister aux ogres américains et chinois. Des entreprises comme Google ou Baidu disposent de millions d’heures de vidéo leur permettant d’entrainer leurs algorithmes à reconnaitre les voix. Les PME et start-up françaises n’ont pas un tel vivier mais toutes possèdent une brique de solution. L’objectif est alors de créer un tronc commun de 100.000 heures de données vocales en français pour, ensuite, développer un moteur de reconnaissance vocale généraliste utile à tous.
Mais le véritable nerf de la guerre pour les entreprises de e-commerce est bien le référencement ou en anglais le SEO (Search Engine Optimization). L’objectif est d’améliorer la visibilité de l’entreprise via son site internet en étant indexé dès les premières pages des moteurs de recherche. La stratégie de référencement est aussi vieille qu’internet et aujourd’hui, elle prend une autre ampleur avec l’intégration de la recherche vocale comme élément à part entière.
« Ok Google ! Comment adapter ma stratégie SEO ? »
Les requêtes effectuées à l’oral n’ont pas les mêmes caractéristiques que celle formulées à l’écrit. En effet, les premières sont généralement plus longues et plus informelles que les secondes, souvent courtes et précises. Les entreprises doivent tenir compte de cette nouvelle donnée dans leur stratégie de référencement, en intégrant, dans leur site web, ce ton conversationnel : moins de mots-clés et plus une sémantique basée sur des questions. Il faut donc que l’entreprise se mette à la place du client : comment ce dernier va-t-il formuler sa requête pour chercher un produit similaire au mien ?
Autre paramètre à intégrer pour les entreprises : contrairement aux moteurs de recherche, les assistants vocaux se contentent de ne présenter qu’une seule réponse à la requête. Il devient donc crucial, voire vital, pour les entreprises d’être LA réponse, sous peine de voir chuter le nombre de visiteurs de leur site internet. De même, il a été constaté que les consommateurs, lorsqu’ils vont rechercher un produit ne citent généralement pas de marque, se contentant de demander à l’assistant intelligent de leur trouver un dentifrice fluoré à la chlorophylle. Ce qui fait dire à Scott Galloway, Professeur de Marketing à la NY University que le Voice commerce aura raison du branding et plus généralement des marques elles-mêmes.
Encore des obstacles sur la route du Voice Commerce
Sans être autant définitif que ce professeur (dont la prophétie datant de 2017 ne s’est pas encore réalisée), il est incontestable que la voix occupe, tous les jours un peu plus, une place importante dans notre rapport à la technologie. Si le recours aux échanges verbaux avec la machine est plus aisé que le recours aux échanges écrits, il n’en reste pas moins que pour s’imposer définitivement, la recherche vocale et, au-delà, le Voice Commerce, devront surmonter quelques obstacles.
Le premier concerne le respect de la vie privée. En effet, basée sur la reconnaissance vocale, les enceintes connectées sont en permanence en train de décrypter ce qu’elles « entendent ». De nombreuses voix s’élèvent pour alerter sur le fait qu’étant intelligentes, ces enceintes peuvent enregistrer et analyser des heures de conversations privées afin d’alimenter leurs algorithmes. Récemment, les bibliothèques ont reçu comme consigne d’éviter d’utiliser ces enceintes, pour des raisons de sécurité. En Allemagne, un homme a été condamné pour le meurtre de son ex-compagne grâce aux preuves accablantes fournies par l’enceinte connectée de la victime qui aurait enregistré la présence de son meurtrier.
Le deuxième obstacle porte plus précisément sur les algorithmes mis en œuvre dans le cadre de la reconnaissance vocale. Aujourd’hui, les enceintes connectées rencontrent des problèmes lorsque les personnes qui conversent avec elles ont un accent prononcé ou utilisant des langues locales. Originellement développés dans la Silicon Valley, les algorithmes ont été entrainés grâce aux voix des développeurs, souvent des hommes, âgés entre 25 et 40 ans, avec un niveau de langage supérieur et sans accent particulier. Des efforts sont entrepris pour lutter contre l’« accent gap ». Qualcomm développe un algorithme dont le taux d’identification des voix s’approche des 100% sans pour autant assurer une parfaite reconnaissance des accents. SpeechMatics s’est spécialisée dans le développement d’outils d’intelligence artificielle axés sur cette problématique. Depuis plus de 10 ans, l’entreprise travaille à une meilleure compréhension des subtilités de la voix. Utilisant des milliers d’enregistrements et des millions de mots, elle serait la seule sur le marché à proposer une solution efficace. Elle a par ailleurs signé un accord commercial avec le Qatar Computing Research Institute pour adapter ses solutions à la langue arabe qui comprend une multitude de dialectes locaux.
[1] Mais également les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) pour le monde asiatique.
[2] Google est en train de développer un agent conversationnel neuronal surpuissant (Meena) qui sera capable de tenir une conversation avec un humain sur n’importe quel sujet.
Vous êtes passés à côté du premier article ?
Retrouvez -le ici, en cliquant sur la vignette.