Chimiothérapie : et si l’avenir se jouait… à distance ?
#
Partager

Le cancer demeure l’un des plus grands défis de la médecine moderne. En France, on estime à 433136 le nombre de nouveaux cas de cancers diagnostiqués en 2023, soit environ 1200 cas par jour (57 % des cas étant des hommes et 43 % des femmes). Le nombre de décès par cancer est estimé, lui, à 162000 pour la même année, représentant la première cause de mortalité prématurée dans le pays.

Parmi les traitements disponibles, la chimiothérapie occupe une place centrale. Utilisée seule ou en combinaison avec d’autres approches comme la chirurgie, la radiothérapie ou l’immunothérapie, elle permet de sauver et de prolonger de nombreuses vies. Cette méthode repose sur l’utilisation de médicaments cytotoxiques (une molécule cytotoxique est une substance capable de détruire des cellules, par un processus entraînant des lésions cellulaires ou la mort cellulaire) qui ciblent les cellules à division rapide. Malheureusement, ces agents ne distinguent pas toujours efficacement les cellules cancéreuses des cellules saines, notamment celles de la moelle osseuse, des follicules pileux, de la peau ou du système digestif. Cela entraîne des effets secondaires significatifs, comme de la fatigue, de l’anémie, des nausées, de l’alopécie, une susceptibilité accrue aux infections (toux, pneumopathies, etc.) jusqu’à des douleurs neuropathiques. ​

Face à ces limitations, la nanomédecine émerge comme un espoir prometteur. Ce domaine en pleine expansion exploite les propriétés des nanotechnologies pour concevoir des traitements plus précis, capables de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses tout en épargnant les tissus sains. Grâce à l’utilisation de nanoparticules conçues pour transporter des médicaments directement au cœur des tumeurs, les chercheurs envisagent une chimiothérapie plus efficace et mieux tolérée. De plus, ces nanoparticules offrent la possibilité de combiner traitement et imagerie (IRM, fluorescence), permettant ainsi de suivre en temps réel l’évolution de la thérapie. ​

Cependant, ces avancées technologiques soulèvent plusieurs questions : comment la nanomédecine peut-elle concrètement améliorer l’efficacité de la chimiothérapie tout en réduisant sa toxicité pour les patients ? Quelles sont les innovations actuelles et les perspectives dans ce domaine ? Cette nouvelle note de veille propose d’explorer ces interrogations en analysant les limites des traitements actuels, les progrès récents en nanomédecine et les implications potentielles pour l’avenir des thérapies anticancéreuses.

1. Les traitements chimiothérapiques actuels

La chimiothérapie repose sur l’administration de médicaments cytotoxiques conçus pour détruire ou inhiber la multiplication des cellules cancéreuses. Ces cellules ont pour caractéristique majeure de se diviser de manière rapide et incontrôlée — c’est ce qui rend la chimiothérapie efficace… mais aussi problématique.

Mode d’action de la chimiothérapie sur les cellules cancéreuses (source : Lymphoma Canada)

Il existe plusieurs classes de molécules, chacune ayant un mode d’action spécifique :

  • Agents alkylants (cyclophosphamide, cisplatine) : ils endommagent directement l’ADN des cellules en créant des liaisons anormales entre les brins d’ADN, empêchant ainsi leur réplication.
  • Antimétabolites (5-fluorouracile, méthotrexate) : ils interfèrent avec la production d’ADN et donc avec la division cellulaire et la croissance des tumeurs. Les cellules cancéreuses se divisant plus souvent que les autres cellules, inhiber la division cellulaire agira plus sur les cellules tumorales que sur les autres cellules.
  • Inhibiteurs de topoisomérases (irinotécan, doxorubicine) : ces molécules bloquent les enzymes responsables du dépliement de l’ADN, indispensable à la duplication du matériel génétique.
  • Poisons du fuseau mitotique (paclitaxel, vincristine) : ils perturbent la formation du fuseau mitotique, empêchant les chromosomes de se séparer correctement lors de la mitose.

LE PACLITAXEL (TAXOL™)

Il est extrait de l’écorce d’if, Taxus brevifolia, répandu dans l’ouest américain, mais dont la croissance est lente. Sa production est très limitée, car 10 kg d’écorce fournissent seulement 1 g de médicament, permettant trois cycles de chimiothérapie et il faut abattre plusieurs arbres centenaires ! Ce produit est maintenant obtenu par hémisynthèse à partir de la 10-desacétyl-baccatine III, extraite des feuilles d’if.
Ce médicament est très peu soluble dans l’eau, ce qui a nécessité l’utilisation de solvants spécifiques, comme l’huile de ricin polyéthylenée (Crémophor™), un détergeant, et potentiellement allergisants par libération d’histamine.

Les indications principales de cette molécule sont le traitement :
– Des cancers de l’ovaire, première et deuxième ligne
– Du cancer du sein, en traitement adjuvant, en protocole séquentiel après un traitement par une anthracycline et dans les formes avancées, seul ou en association avec Gemzar™)
– Le sarcome de Kaposi
– Les cancers du poumon non à petites cellules en association avec le cisplatine.

Son administration se fait, toutes les trois semaines, en perfusion intraveineuse, d’une durée de 3 heures. La dose moyenne varie de 175 à 250 mg/m², selon que le médicament est utilisé en première ou en seconde ligne de traitement. Il est utilisé le plus souvent avec un sel de platine. C’est l’association dite CarboTaxol.
La perfusion doit être précédée de l’administration de corticoïdes, d’antihistaminiques et de médicaments antagonistes des récepteurs H2 chez tous les patients, pour la prévenir des réactions d’allergie.

C’est un produit relativement toxique. On peut observer des neuropathies, des aplasies parfois profondes, la perte transitoire des cheveux. De plus, lié au solvant, il existe un risque de survenue d’œdèmes des membres voire des séreuses (épanchements pleuraux et péricardiques).

Ces agents sont souvent administrés par voie intraveineuse, mais certains existent en formulation orale, en voie sous-cutanée, en voie intra-artérielle, etc. La chimiothérapie peut être donnée seule (monothérapie), en combinaison avec d’autres chimiothérapies (polychimiothérapie), ou en complément d’autres traitements (chirurgie, radiothérapie, immunothérapie).

Source : LES POISONS DU FUSEAU, TAXANES – InfoCancer

Mais la chimiothérapie, comme toutes les approches systémiques des cancers, présente aussi certaines limites :

1- Toxicité pour les cellules saines :
La chimiothérapie cible les cellules qui se divisent rapidement, ce qui inclut les cellules cancéreuses, mais aussi certaines cellules saines (muqueuses, moelle osseuse). Résultat : les patients subissent fréquemment des effets secondaires notables, tels que la chute des cheveux (alopécie), des nausées et vomissements, une grande fatigue, ou encore une diminution des globules blancs entraînant un risque accru d’infections.

2- Résistance des cellules cancéreuses :
Au fil du traitement, certaines cellules cancéreuses peuvent développer des mécanismes de défense leur permettant d’échapper à l’action des médicaments. Cette résistance peut être innée ou acquise, rendant la chimiothérapie de moins en moins efficace au fil des cycles. Cela constitue un défi majeur dans les formes avancées ou récidivantes de cancer.

3- Efficacité variable selon les cancers :
La chimiothérapie n’agit pas avec la même efficacité sur tous les types de tumeurs. Certains cancers, comme ceux des testicules, les lymphomes ou certaines leucémies, y répondent très bien. D’autres, comme le cancer du pancréas, le mélanome ou certains cancers du rein, sont notoirement peu sensibles à ces traitements, ce qui limite les bénéfices attendus dans ces cas.

4- Impact sur la qualité de vie :
En raison de la toxicité des traitements, de nombreux patients voient leur qualité de vie altérée pendant la durée de la chimiothérapie. Les effets secondaires physiques s’accompagnent souvent d’un impact psychologique important : anxiété, dépression, perte d’appétit, isolement social. Pour certains, les séquelles persistent même après l’arrêt du traitement, prolongeant la souffrance au-delà de la phase active des soins.

5- Impossibilité de traitement ciblé :
Contrairement aux approches plus récentes comme l’immunothérapie ou les thérapies ciblées, la chimiothérapie ne distingue pas les cellules cancéreuses des cellules saines. Cette absence de spécificité engendre des dommages collatéraux importants dans tout l’organisme, avec des effets secondaires parfois sévères : anémie, troubles digestifs, lésions nerveuses périphériques (neuropathies), ou encore troubles cognitifs à long terme (le fameux “chemobrain” ou brouillard cérébral).

6- Limites de dose :
Augmenter les doses de chimiothérapie pour tenter d’en accroître l’efficacité n’est pas toujours possible. En effet, la toxicité cumulée peut atteindre des seuils dangereux, mettant en péril la santé voire la vie du patient. Le dosage reste donc un compromis délicat entre efficacité thérapeutique et tolérance individuelle.

2. La nanomédecine une nouvelle voie pour améliorer les chimiothérapies

La nanomédecine désigne l’application des nanotechnologies à la médecine, notamment au traitement du cancer. Elle repose sur l’utilisation de nanoparticules (entre 1 et 100 nanomètres) pour transporter et délivrer les médicaments directement au sein des tumeurs (on parle de nano-véhicules). Contrairement à la chimiothérapie traditionnelle qui diffuse les remèdes de manière systémique dans tout l’organisme, la nanomédecine vise une délivrance ciblée des agents anticancéreux, avec pour objectif de maximiser leur efficacité tout en réduisant les effets secondaires. Les nanoparticules peuvent être conçues pour encapsuler les médicaments chimiothérapiques, les protéger de la dégradation prématurée, améliorer leur solubilité et cibler spécifiquement les cellules cancéreuses.

Avantages des nanoparticules en chimiothérapie

Plusieurs types de nano-véhicules

Il existe trois principaux types de nano-véhicules :

Les liposomes sont de minuscules sphères composées de lipides, semblables à une membrane cellulaire, capable d’encapsuler un médicament à l’intérieur. En chimiothérapie, il sert à protéger le principe actif, à prolonger sa circulation dans le sang et à favoriser sa libération ciblée dans les tissus tumoraux grâce à une propriété intéressante des liposomes : leur capacité à traverser les membranes des cellules et de fusionner avec celles-ci, libérant ainsi le médicament qu’ils contiennent directement dans la cellule.

Schéma d’un liposome

Les nanocapsules : Les nanocapsules sont de minuscules systèmes de transport (de l’ordre du nanomètre) constitués d’une coque polymérique ou lipidique qui entoure un noyau contenant un principe actif, comme un médicament. En oncologie, elles permettent de protéger la molécule thérapeutique, de contrôler sa libération dans l’organisme et de cibler spécifiquement certains tissus, notamment les cellules cancéreuses, tout en limitant les effets secondaires sur les tissus sains. Des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont mis au point une méthode permettant de produire rapidement et à grande échelle des nanoparticules personnalisables, capables d’encapsuler des médicaments et de s’adapter aux caractéristiques spécifiques de différentes tumeurs. Ces particules sont conçues pour libérer leur charge thérapeutique de manière contrôlée et peuvent être modifiées pour cibler divers types cellulaires. Cette innovation ouvre la voie à une médecine plus précise, flexible et accessible, avec un potentiel d’industrialisation important pour accompagner les traitements personnalisés en oncologie.

Les nanosphères : Contrairement aux nanocapsules qui possèdent un noyau creux entouré d’une coque, les nanosphères n’emprisonnent pas le médicament dans un réservoir, mais le retiennent dans leur structure même, faite d’un enchevêtrement d’atomes. Souvent fabriquées à partir de polymères biocompatibles comme le PLGA (acide polylactique-co-glycolique), les nanosphères peuvent :

  • protéger le principe actif de la dégradation prématurée (ex. : enzymes, pH),
  • prolonger la durée de circulation dans l’organisme,
  • et permettre une libération contrôlée et prolongée du médicament au niveau de la tumeur.
Schématisation d’une nanocapsule (coque + noyau) et d’une nanosphère (matrice solide) (Source : Unitec)

Un ciblage accru des cellules tumorales

Les nanoparticules peuvent atteindre les cellules tumorales grâce à deux mécanismes différents, mais complémentaires de ciblage : le ciblage passif et le ciblage actif.

Le ciblage passif

Il repose sur un phénomène appelé effet EPR (effet de perméabilité et de rétention accrue). Les tumeurs solides présentent des vaisseaux sanguins anormalement perméables en raison de leur croissance rapide et désorganisée, ce qui permet aux nanoparticules de s’infiltrer plus facilement dans le tissu tumoral. De plus, l’absence de système lymphatique fonctionnel dans ces zones empêche l’élimination rapide des nanoparticules, favorisant leur accumulation prolongée au sein de la tumeur.

Effet EPR et ciblage passif (Source : Aditi M. Jhaveri and Vladimir P. Torchilin)

Ce mécanisme ne nécessite aucune modification spécifique des nanoparticules et fonctionne principalement sur la base de leurs dimensions (typiquement 10–200 nm) et de leurs propriétés physico-chimiques (charge, surface, hydrophobie).

Le ciblage actif

Le ciblage actif consiste à rendre les nanoparticules capables de reconnaître et de se fixer spécifiquement aux cellules cancéreuses. Pour cela, on ajoute à leur surface des molécules de reconnaissance – comme des anticorps, des peptides ou d’autres ligands – qui ont une affinité particulière pour des récepteurs surexprimés à la surface des cellules tumorales. Par exemple, certaines cellules cancéreuses du sein surexpriment le récepteur HER2. En greffant un anticorps dirigé contre HER2 à la nanoparticule, on permet à celle-ci de se fixer sélectivement sur les cellules concernées, d’y pénétrer, et d’y libérer le médicament de manière ciblée. Ce mécanisme augmente la précision du traitement, limite l’exposition des tissus sains, et permet potentiellement d’utiliser des doses plus efficaces avec moins d’effets indésirables. Il s’agit donc d’une stratégie de médecine ciblée, adaptée à la biologie propre de chaque tumeur.

Le « théranostique »

Le théranostique désigne une approche innovante en nanomédecine qui vise à combiner, dans une seule et même nanoparticule, une fonction thérapeutique et une fonction diagnostique. L’objectif est double : traiter la tumeur de manière ciblée tout en suivant l’évolution du traitement en temps réel à l’aide de techniques d’imagerie médicale, parce que tous les patients souffrant d’une même maladie ne répondent pas au même traitement.

La fonction diagnostique est assurée par l’ajout d’un agent d’imagerie (comme un fluorochrome, une molécule radioactive ou un noyau magnétique) qui rend la nanoparticule visible via IRM, TEP, fluorescence, etc. L’objectif est de détecter les cellules cancéreuses, d’étudier leur activité et d’identifier les patients pouvant bénéficier du traitement.

La fonction thérapeutique repose sur l’encapsulation ou la fixation d’un agent thérapeutique dans ou à la surface de la nanoparticule. L’objectif est de délivrer le traitement au plus proche des cellules cancéreuses tout en épargnant le plus possible les tissus sains et les organes qui ne sont pas touchés par la tumeur.

Cette double action permet donc de visualiser la distribution des nanoparticules dans l’organisme, de confirmer leur présence dans la tumeur, puis d’observer la réponse au traitement au fil du temps. Cette stratégie offre au corps médical la possibilité d’adapter le protocole thérapeutique à chaque patient, selon une logique de médecine personnalisée et dynamique.

Certains systèmes vont plus loin, en étant conçus pour libérer le médicament uniquement en réponse à des stimuli spécifiques de l’environnement tumoral : acidité, chaleur, enzymes, lumière… Le médicament est ainsi activé uniquement dans la tumeur, ce qui réduit considérablement les effets indésirables sur les tissus sains.

3- Doxanano : la Chimiothérapie Activée à Distance ©

Fondée en mars 2023 par la Dr Isabel Marey-Semper, Doxanano est une start-up basée à Pessac, près de Bordeaux. Sa mission : révolutionner la chimiothérapie avec une approche de rupture : la Chimiothérapie Commandée à Distance (RAC) et développer des traitements de première ligne pour les patients atteints de tumeurs localement avancées.

L’approche RAC développée par Doxanano permettra de dépasser les limites inhérentes aux chimiothérapies

La chimiothérapie conventionnelle nécessite un compromis entre efficacité et toxicité. En effet, la dose administrée est celle tolérée par le patient et non la plus efficace pour éradiquer la tumeur. Avec pour conséquences qu’une dose trop faible dans la tumeur pour être totalement efficace et une dose trop élevée sur les organes sains avec souvent des effets secondaires sévères. La chimiothérapie activée à distance (RAC®) développée par Doxanano permettra d’atteindre une concentration inédite du médicament au cœur de la tumeur, tout en préservant les tissus sains. Cette approche ouvre la voie à des traitements plus efficaces et mieux tolérés.

 Tirer parti des propriétés des nanoparticules

Afin d’arriver à ses fins, l’entreprise développe une technologie brevetée fondée sur l’utilisation de nanovésicules qui encapsulent les agents anticancéreux (les molécules cytotoxiques) pour les transporter jusqu’à la tumeur. Ces nanovésicules présentent deux propriétés opposées : d’une part, très stables en conditions physiologiques dans l’organisme (on parle de véritables coffres-forts) elles évitent toute libération prématurée (et donc néfaste pour les cellules saines) du médicament qu’elles transportent et d’autre part, elles sont dégradables sous rayonnement de radiothérapie permettant ainsi la libération ciblée de leur contenu dans la tumeur.

Les nanoparticules utilisées par Doxanano pour transporter le traitement médicamenteux vers les tumeurs cancéreuses (Source : Doxanano)

À l’instar de certains traitements chimiothérapiques, les nanoparticules sont administrées par voie intraveineuse et circulent dans le corps du patient par les vaisseaux sanguins. Elles vont alors s’accumuler dans les tumeurs, profitant de la perméabilité des vaisseaux sanguins qui entourent la tumeur. Une fois installées, les capsules sont irradiées par rayons X ce qui les déstabilise puis elles libèrent leur contenu de manière ciblée au cœur de la tumeur.

Schématisation du parcours des nanovésicules puis irradiation par rayons X (source : Doxanano)

Les principaux avantages attendus de la Chimiothérapie Activée à Distance (RAC®) sont :

  • une augmentation significative de la concentration de l’agent thérapeutique dans la tumeur.
  • Une réduction drastique des effets indésirables sur les organes sains.
  • Une approche complémentaire aux thérapies ciblées et immunothérapies.
  • La combinaison d’une forte applicabilité de la chimiothérapie à la précision de la radiothérapie afin de pouvoir traiter un grand nombre de patients et à un coût abordable.

Retrouvez toutes nos notes de veille ici :

AUTRES ARTICLES